Les documentaires honnêtes se font de plus en plus rares. Aujourd'hui, seuls sont promus les films qui caressent le public dans le sens du poil, qui vont dans le sens de ce que la majorité pense déjà, et qui utilisent systématiquement la méthode du biais de confirmation. Tout discours qui n'est pas conforme à la doxa se voit ostracisé, non par une contre-argumentation ou une réfutation en règle, mais simplement par la censure, le procès d'intention et la calomnie.
On pourrait consacrer un film à ce film, tant ce qui s'est passé autour de celui-ci confirme son propos. Il a bien sûr suscité des réactions épidermiques de la part des féministes ou sympathisants, dont la vision du monde est remise en cause par The Red Pill, bien qu'il fut réalisé par une féministe. Quand je dis "épidermique", je veux dire qu'ils ont crachés sur le film sans l'avoir vu la plupart du temps, n'ont pas ménagés leurs efforts pour empêcher autant que possible les projections — ces gens qui prônent la tolérance, lol — et y sont parvenus à plusieurs reprises. Une belle mise en abyme ! Pourtant, fondamentalement, The Red Pill n'est pas vraiment un film anti-féministe... il l'est incidemment, mais c'est surtout un film sur le MRM (Men's Right Movement) le mouvement pour les droits des hommes et ses représentants, les MRA (Men's Right Activists). Comme l'explique la réalisatrice Cassie Jaye, et ça devrait être évident pour ceux qui ont vus le film, The Red Pill n'est nullement une promotion du MRM ou une invitation à le rejoindre. C'est une invitation à la pensée critique appliquée à soi-même.
Le projet de départ de Cassie Jaye était de faire un film sur la "culture du viol" et de montrer que le MRM était un mouvement haineux et misogyne. C'était ce que devait montrer son documentaire et elle n'envisageait pas de se remettre en question. Elle était même effrayée à l'idée de les rencontrer en envisageait la possibilité de se faire agresser. Son image était basée sur ce qu'elle avait lu et entendu à leur sujet dans les milieux féministes. Seulement voilà, il y avait une différence entre ce qu'elle croyait et ce qu'elle a vu et entendu.
Avant The Red Pill, Cassie Jaye avait fait des documentaires féministes. Elle avait toujours été aidée, soutenue, honorée, reçut des fonds, etc. Mais cette fois, elle dut utiliser le financement participatif et fut l'objet de campagne d'une malhonnêteté écœurante — notamment en Australie — et de déversements de mensonges flagrants. (Comme quoi son film aurait été financé par le Men's Right Movement, ou qu'elle n'aurait jamais été féministe...entre autres exemples.) Les MRA l'avaient prévenus sur les réactions, elle ne les avaient pas crus.
Cassie Jaye, a constaté en effet que c'était une constante chez ceux qui rejettent le film de ne l'avoir pas vu (et elle n'est pas la seule à l'avoir remarqué). J'en ai eu moi aussi une illustration récente, lorsque mon collègue de SensCritique Gondebaud remarqua que j'avais mis une bonne note à ce film, me dit en commentaire la chose suivante : « Je ne parviens pas à comprendre comment tu peux mettre des bonnes notes à des trucs aussi ridicules. Pourtant, je te sais intelligent. » Question évidente qui suit logiquement : « Tu as vu The Red Pill ? » Réponse : « Pour être tout à fait honnête, non. »
Je n'ai pas encore vu de critique négative honnête de ce film. Parmi les quelques rares féministes qui l'ont vu, certaines critiques ont été d'une mauvaise foi ahurissante. Un exemple parmi tant d'autres, la féministe Pascale Navarro :
Oui, ces problèmes-là touchent les hommes, c’est indéniable, et les histoires personnelles que ces hommes racontent dans le documentaire nous touchent bien sûr, mais ce n’est pas une raison pour en jeter le blâme sur les femmes. Ils se trompent de cibles selon moi. Les hommes souffrent mais les femmes aussi, en fait les êtres humains souffrent.
Damned. Mais où Pascale Navarro est-elle allé chercher que les MRA jetait le blâme sur les femmes en général pour les problèmes masculins ?! Il n'y a absolument rien dans ce film qui permette de soutenir une telle affirmation. Au contraire : le film démonte justement ce préjugé, c'est à croire qu'elle ne l'a pas vu elle non plus. Les MRA disent en substance la chose suivante : "Les femmes souffrent et les hommes aussi, les êtres humains souffrent."
Dans une interview très intéressante avec Dave Rubin, Cassie Jaye raconte justement qu'elle remarqua en faisant le film qu'aucun MRA ne niait les problèmes féminins ou ne s'opposait à leurs droits. Ils soulignent seulement le fait qu'il y a aussi des problèmes et des désavantages spécifiquement masculins et que ceux-ci sont ignorés, niés ou minimisés. Alors comment expliquer un strawman aussi évident de la part de Pascale Navarro ? Par un phénomène de projection mentale assez classique et révélateur de certaines réactions hostiles : comme les féministes sont anti-hommes, ils se figurent systématiquement que leurs opposants ont le même point de vue qu'eux en sens contraire, donc seraient anti-femmes. (Exactement de la même manière que les socialistes qui pensent que les pro-capitalistes croient comme eux au paradis sur terre par d'autres moyens. On prête à son adversaire sa propre structure mentale.) Dans leur esprit, être anti-féminisme c'est nécessairement être anti-femme, avoir la haine des femmes et être misogyne. Et bien sûr être un fasciste d'extrême-droite suprématiste blanc, délire assez courant.
Bien entendu, les féministes ne se considèrent pas eux-même comme anti-hommes, même si c'est un fait objectif. Dans une autre interview, Cassie Jaye explique cet auto-aveuglement : elle-même en tant que féministe ne se voyait absolument pas comme anti-hommes, jamais. Mais elle commença à s'en apercevoir lorsqu'elle réalisa que son langage ("patriarchy", "toxic masculinity"...) et son rejet spontané des problèmes masculins étaient bel et bien les signes de biais anti-hommes dont elle n'avait même pas conscience.
Car lorsque les féministes soulignent un désavantage féminin, elles accusent le "patriarcat", donc les hommes en tant que groupe, d'en être responsable. Elles croient donc que le MRM fait la même chose à l'envers : lorsqu'ils montrent un désavantage masculin — ce qui veut dire un avantage féminin — ils accusent les femmes en tant que groupe d'en être responsable. Or ce n'est pas le cas. Voici un autre exemple de ce que j'ai pu lire sur SensCritique au sujet du film (je ne sais pas comment mettre le lien vers ce statut) :
le discours des MRM est parfois très facile à déconstruire, y compris lorsqu'ils s'appuient sur des statistiques (99% des victimes de guerre sont des hommes ? Et à ton avis pourquoi ce ne sont justement que des hommes qui partaient à la guerre, patate !).
Voici encore une réaction qui confirme le propos du film. C'est un exemple typique de réaction que la réalisatrice avait elle-même au début de la réalisation du film et qu'elle est parvenu à identifier et à comprendre. À savoir que tout problème spécifiquement masculin — ici la conscription obligatoire avec les morts qui en résultent — doit systématiquement et immédiatement être mis en confrontation avec : « Oui mais les femmes... » comme s'il s'agissait d'une compétition. Or personne ne nie que les femmes puissent être l'objet de discriminations et de problèmes spécifiquement féminins. Personne ne nie, dans le cas présent, que les femmes étaient exclues de l'armée. Mais ce n'est pas un concours de victimisation : ça ne veut pas dire que l'aspect masculin du problème n'en est pas un ou ne doit pas être évoqué pour lui-même. Le fait que des femmes n'avaient pas l'opportunité de faire partie de l'armée si elles le souhaitaient n'annule pas le fait que les hommes étaient contraint d'en faire partie même s'ils ne le souhaitaient pas, parce qu'ils étaient des hommes — et que donc ce sont les hommes qu'on envoie de force à la mort, et que les femmes étaient à l'abri de cela. Or dans l'esprit d'une féministe, il s'agit d'un jeu à somme nulle...
Comme l'explique très bien Cassie Jaye dans son interview avec Dave Rubin que j'ai mis en lien plus haut, il s'agit d'un système de défense psychologique : les problèmes spécifiquement masculins que les féministes peuvent difficilement nier doivent toujours s'accorder avec leur système de croyance, et non l'inverse. Ainsi, un problème spécifiquement masculin doit être au final le résultat du sexisme envers les femmes, de la domination masculine, puisque toute différence entre les hommes et les femmes doit aboutir à cette conclusion prévue à l'avance.
L'un des aspects les plus fascinant du film est de voir comment cette jeune et naïve féministe — je parle encore de Cassie Jaye — est perturbée parce qu'elle n'avait jamais songé à prendre sérieusement connaissance des arguments opposés. C'est par l'introspection, en observant sa propre hypocrisie qu'elle révisa ses conceptions et constata la même hypocrisie chez ses amies féministes, sa famille, dans les médias...
Ce travail introspectif donne au film son caractère fort et original, car il touche au cœur de la psychologie féministe. Dans une conférence, elle explique que lorsqu'elle réalisait les premières interviews, qui duraient plusieurs heures, elle n'écoutait pas vraiment ses interlocuteurs (elle s'en est aperçu rétroactivement). Elle attendait. Qu'attendait t-elle ? Une phrase ou des mots qui prouvaient ce qu'elle voulait croire, à savoir que les MRA étaient misogynes. Ainsi, lorsqu'un de ses interlocuteurs lui dit : « Sortez dehors et regardez autour de vous. Tout ce que vous voyez a été construit par des hommes. » sa réaction initiale était d'y voir une remarque sexiste. Pourtant, en y réfléchissant, si quelqu'un disait : « Sortez dehors et regardez autour de vous. Toutes les personnes que vous voyez ont été mis au monde par une femme. » serait-ce interprété comme une remarque sexiste ? Nullement. Car dans un cas comme dans un autre, il ne s'agit pas de sexisme, mais d'un simple fait de la réalité qui n'a aucune intention de dénigrer l'autre sexe (comme si reconnaître le mérite de quelqu'un signifiait rabaisser les autres...).
C'est à travers ce genre de détail qu'elle commença à réaliser ses propres biais anti-hommes. Dans cette conférence, elle donne une liste d'exemples de la manière dont son esprit distordait inconsciemment les propos des MRA pour leur faire des procès d'intention, sans tenir compte de ce qu'ils disaient réellement.
Pour comprendre ces phénomènes de biais, il faut analyser la pilule bleue et comprendre sur quelle base philosophique repose le féminisme moderne. En l'occurrence il s'agit du marxisme et de la philosophie postmoderne — voir ma critique de La Domination masculine — lesquels ont pour inévitable conséquence d'inciter à la concurrence victimaire, parce que cette approche fait de la souffrance une norme morale, donc plus on est victime, plus on est dans le camp du Bien, quoi qu'il arrive. (L'idée est qu'il faut être "du côté des faibles".) Voilà pourquoi, pour le féminisme, le fait que les hommes puissent également avoir des souffrances propres et être désavantagés dans certaines situations constitue un scandale en soi et doit absolument être nié et combattu. Car cela voudrait dire — dans leur esprit — que les hommes en tant que "classe" pourraient être aussi dans le camp du Bien, et que leur lutte contre le patriarcat serait dénué de sens. Bien sûr, les MRA n'ont pas du tout une telle approche, mais il s'agit toujours pour les féministes d'une projection mentale de leur propre vision inversée. L'approche en elle-même ne peut pas être remise en question tant qu'elle est intégrée de façon subconsciente, et c'est un accomplissement rare de la part de Cassie Jaye d'avoir réussi à en prendre conscience, à l'examiner et à commencer à la remettre en question.
C'est lorsqu'on commence à s'écarter un tant soi peu de son culte qu'on commence à comprendre que le féminisme est une religion. Récemment, il est arrivé sur Internet une histoire quelque peu analogue à celle de Cassie Jaye : Laci Green l'une des youtubeuse féministes les plus célèbres, a commencé à se dire qu'il fallait peut-être dialoguer avec les anti-féministes, elle a alors rencontré des youtubeurs anti-féministes. Sans pour autant changer d'opinion, elle a admis que les anti-féministes n'étaient pas tous des méchants, qu'elle avait appris des choses et n'avait même jamais pensé à voir certaines choses sous certains angles, ou que même lorsqu'elle n'était pas d'accord, ceci lui permettait de renforcer sa propre réflexion. Cette simple ouverture d'esprit lui a valu un torrent de haine très violente de la part de son église. Elle commence ainsi à réaliser la dimension fondamentalement religieuse du féminisme. Il est difficile d'en sortir, car cette religion aujourd'hui, c'est le confort intellectuel, c'est une position qui générera beaucoup plus de sympathie que d'animosité. En faisant son apostasie, Cassie Jaye assiste, selon ses propres mots, à son propre suicide professionnel.
J'ai néanmoins plusieurs reproches à faire ce film, que je ne considère pas comme parfait, loin s'en faut. D'après moi, il cherche trop à jouer sur la corde sensible et victimise un peu trop les hommes. Pouvait-on néanmoins s'attendre à autre chose de la part d'une réalisatrice qui a été formée à la pensée féministe ? C'est aussi ce que je reprocherais au MRM (du moins ce que j'en vois dans ce film) : de reprendre malgré tout certains travers du féminisme — à un degré toutefois largement moindre — dans son aspect victimaire et son aspect "solidarité de classe" que personnellement je n'ai pas. Il faut dire aussi que certaines des personnalités importantes du MRM sont d'anciens féministes, tel que Warren Farrell ou Erin Pizzey. Cela dit, The Red Pill est le seul film à ma connaissance sur le sujet, et il faut dire qu'en dehors de ça, il est très bon, et surtout, honnête.
Enfin, le film m'a fait découvrir Karen Straughan, dont je trouve la chaîne Youtube excellente. Sachez également que sur sa chaîne Youtube officielle, Cassie Jaye a mis à disposition de nombreux rushs.
En bonus, histoire de rigoler un peu, voici l'opéra anti-MRM, avec en vedette le youtubeur Steve Shives.