Avec ses chauves souris, The Roost ne semblait être qu’un film horrifique de plus, proposant une bête menace animalière dans un cadre qui fait peur. Un de plus, sans se fouler. The Roost est pourtant bien plus malin que prévu. Écrit et réalisé par Ti West, qui signe ici son premier long-métrage, ce dernier lance de bien belle manière sa carrière, spécialisée dans le film d’horreur, avec quelques belles réussites critiques.
Car The Roost a pour lui une qualités essentielle, celle d'offrir un film solide et passionné sans vouloir renouveller quoi que ce soit.
Le prétexte est vu et revu, avec une bande d’amis en direction d’un lieu, mais qu’un accident obligera à les faire rester au milieu de nulle part, trouvant refuge dans une ferme. Quelques dialogues caractérisent ces personnages, mais il s’agit de les présenter au minimum. Le métrage évite l’écueil des historiques et des personnalités lourdement présentées, pour mieux nous les faire apprécier par petites touches, alors qu’ils restent des candidats aux meurtres qui étancheront notre soif de meurtre.
Dans The Roost, les personnages sont presque des coquilles vides, ce qui permet au spectateur de mieux les investir, de trembler avec eux. Leurs comportements sont suffisamment éloquents, d’ailleurs le film se passe assez rapidement de dialogues et de cris, pour n’en garder que ceux nécessaires, ce qui fait du bien. Des regards et des silences en diront parfois beaucoup plus que des crises d’hystérie, d’autant plus que Ti West nous présente des scènes qui vont étonner. Certaines actions sont lourdes de sens, le spectateur les découvre devant le fait accompli, sans explications.
C’est aussi une des qualités du film, de rester mutique, sans vouloir tout faire comprendre, comme tant d’autres films d’horreur qui prennent leur public pour des imbéciles à qui il faut tout expliquer ou rabâcher. Qu’est-ce qui explique la dangerosité de ces chauves-souris ? The Roost ne dit rien, ne laissant même pas quelques pistes saugrenues de virus ou autres malédictions anciennes. Peut-être faut-il trouver une raison plus simple. Cela arrive, et les personnages doivent s’en sortir.
Avec cette histoire de chiroptères mordantes, le film semblait mal engagé, et pourtant Ti West arrive à rendre sa menace crédible, sans virer dans le grotesque. Il la double d’un autre risque pour les personnages, permettant au film de jouer sur plusieurs peurs, où l’espace est très important. Quelques effets spéciaux et un peu de maquillage habillent le tout, avec une juste parcimonie. Le comportement des chauves-souris est assez réaliste, permettant de joueur sur leur étrangeté.
Car il faut bien reconnaître au film de Ti West une qualité rarement atteinte par de tels films, c’est qu’il est mis en forme avec un soin particulier, avec un grain légèrement charbonneux. Peu importe la simplicité de son histoire, elle est mise en valeur par une caméra qui observe, qui semble toujours se tenir à distance. Elle accentue la froideur de l’ensemble, sans effusions d’amitié, sans histoires d’amour improbables, juste quelques personnes en lutte pour leur survie. Le film est tourné dans la nuit, et l’obscurité est partout, bornée par quelques éclairages, les personnages s’y engouffrent ou en ressortent.
La bande-son de Jeff Grave accompagne d’ailleurs à merveille cette ambiance inquiétante, avec ses morceaux qui jonglent entre les violons, parfois stridents, et les percussions hypnotiques. L’ensemble se marie très bien, soulignant l’angoisse ressentie par les personnages.
The Roost n’a peut-être pas de commentaire à faire sur le média, et ce n’est pas grave, il a d’ailleurs l’amabilité de ne pas s’éterniser pour atteindre les 90 minutes, il dure 1h17 et la pellicule est bien remplie. Par contre, et c’est un peu plus grave, il est introduit et conclut par un maître de cérémonie joué par Tom Noonan, qui reprend même la main en cours de métrage, dans une ambiance rétro en noir et blanc parfaitement assumée, reproduisant à merveille un certain kitsch de ce genre de schéma des films horrifiques d’après-guerre. Ces segments sont bien réalisés, mais le décalage avec le reste dérange, cassant l’immersion ressentie. Leur présence est superflue, probablement pour que le film reste dans la case long métrage, plutôt que moyen métrage ou autre case plus exotique.
Dommage, mais ce n’est pas si grave. Avec une équipe technique si jeune, un budget qu’on estime réduit, The Roost aurait pu se casser la figure, glissant sur le guano. Et bien non, il se tient droit, et il peut le faire sans rougir. Il n’a rien à révolutionner, et il le sait, préférant la mise en forme à d’autres artifices et clichés du genre. Que cela fait du bien.
Le DVD de We Prod sorti en 2006 est d’ailleurs bien fourni en suppléments, avec une charmante attention. Contrairement à tant d’autres films qui utilisent une menace animalière et s’en lavent les mains de contribuer à maintenir des images fausses, Ti West a filmé un président d’association de protection des chauves-souris, dissipant certaines idées à leur sujet et soulignant leur importance écologique mais aussi économique. Les chiroptères du film font ce qu’elles veulent, c’est de la fiction, pas de la réalité. Celles de nos nuit doivent être protégées.