--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingt-et-unième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Cette année aura sans aucun doute été le mois-monstre le plus étrange qu’il m’ait été donné de vivre. Car bien que pour une fois le monde du surnaturel est resté plutôt tranquille en cette fin d’automne, On ne peut pas vraiment en dire autant de l’humanité, qui elle a basculé dans le film d’horreur les deux pieds joints. Aucun mort-vivant ni aucun immortel n’aurait été suffisamment morbide pour imaginer une Toussaint pour laquelle les cimetières auraient été les seuls endroits dont la fréquentation soit autorisés. Aucun fantôme ni aucune sorcière n’aurait pu envisager un Halloween lors duquel les enfants auraient été interdits d’aller terroriser le voisinage en lui rackettant des friandises. C’est pourtant ce qui s’est passé, et seul les Jack-o-lanternes sur les rebords des fenêtres illuminaient doucement la nuit, ricanant silencieusement face aux rues désertes. Coïncidence ou malédiction, le monstre que j’avais choisi pour accompagner la période est bien plus lugubre, bien plus explosif que ceux des années précédentes. Certes la figure de la sorcière doit être à peu près aussi populaire au cinéma que celle du vampire, et j’ai eu à faire une drastique sélection. Mais là où je concluais il y a cinq ans que le vampire ne faisait plus peur depuis la Hammer, et que celui-ci s’était donc reconverti vers le spectacle, la romance, le drame ou la comédie ; la sorcière quant à elle, semble progresser en sens inverse. Celle-ci n’avais plus même essayé d’effrayer personne depuis les années 80, mais les dernières années ont inversé la donne. Je redoutais plutôt avec curiosité certains films du cycle (*le Projet Blair Witch* qui est passé à la trappe pour cause de fin du monde et de mauvaise foi ; *Black Death* qui me rendait plus intriguée de savoir si Sean Bean allait mourir qu’inquiète de la manière dont l’hypothétique mort lui serait assenée, etc.), mais il y en a un que je redoutais avec une véritable appréhension : c’est *The Witch*. Et alors que le mois commence gentiment à approcher de son terme, alors que le monde semble s’éteindre lentement en même temps que les feuilles brunissant les trottoirs, alors que le printemps semble une lointaine perspective qu’il faille désormais conjuguer au conditionnel, *The Witch* était un visionnage m’effrayant d’autant plus qu’il était parfaitement adapté au contexte. 
Il y a donc trois possibilités à mon ressenti : soit plus rien ne m’effraie, soit rien ne m’a jamais effrayé, soit *The Witch* n’est pas aussi terrible que l’ont vanté tous ses admirateurs. Mais il y a une chose d’absolument certaine : il n’y a pas besoin d’avoir peur devant *The Witch* pour être époustouflé par toutes ses qualités. Car ce qui m’a profondément marqué dans ce film, au-delà du fait que j’étais parfaitement ébahit de rester impassible face à ce qui était censé être un terrifiant film d’horreur, c’est sa profonde intelligence, sa finesse et sa justesse. A aucun moment celui-ci ne sort les grands moyens, n’utilise les gadgets faciles de l’horrifique, j’ai nommé le gore et le jump-scare. Car oui, il est encore possible de faire de l’horreur sans faire couler le ketchup, et en faisant frissonner plutôt que sursauter. Mieux, il y a beaucoup plus de possibilités de réussir profondément un film d’horreur en se tenant à ces deux principes plutôt peu respectés. Car en prenant le temps d’instaurer une ambiance proprement terrifiante, la peur se transforme en plaisir, le malaise ne donne pas la nausée. Le film n’est pas là pour dégoûter ou pour surprendre, comme ont trop tendance à le faire ceux qui se prétendent ses semblables, mais réellement pour faire peur, parce que le contexte est terrifiant, parce que les personnages sont bien construit et que leur destin nous tient à cœur instantanément, parce que le langage cinématographique devient poésie tant il est fin est subtil. Le film nous emmène dans une autre époque et un autre espace, isolés de tous, au cœur d’une famille voyant approcher une famine et se déchirant sous le coup d’une religion omniprésente, d’une passion pour leur Dieu tellement sincère qu’elle en devient une malédiction. La sorcière (car cette fois il y en a bien une, une vraie, voir plusieurs d’ailleurs, l’information n’est pas délivrée clairement) n’est finalement qu’un moindre mal, un élément déclencheur plutôt que la raison profonde de leur perte, et d’ailleurs presque un happy end pour celle qui saura sortir vivante du maelstrom. Curieuse curieuse façon d’exploiter le monstre, le mysticisme, la magie noire et le surnaturel, que de le remplacer manifestement par la religion et l’amour familial comme véhicule de l’effroi… Une preuve de plus de l’immense intelligence du film, et de son refus catégorique de tomber dans quelque sorte de facilité que ce soit.
Je ne suis pas sensible à l’horreur, je devrais le savoir, j’ai déjà expérimenté la question plus d’une fois. Mais je n’ose y croire, et chaque fois c’est le même scénario : j’ai plus peur avant de voir le film que pendant. Mais ce qui est formidable avec *The Witch*, c’est que au-delà d’être (je n’en doute pas) un excellent film d’horreur, c’est avant tout un excellent film tout court.
Zalya
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le 23 nov. 2020

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