Gambit a beau être un film mineur d'après à peu près tous mes critères cinématographiques, il s'en dégage un charme fou, une sincérité envoûtante, le tout assaisonné d'un humour très équilibré. J'aime de plus en plus le jeu de Michael Caine, à mesure que je découvre ses interventions des années 60-70, mais il y a un petit truc en plus ici. Ne serait-ce que la première demi-heure, immense blague dont on ne comprend l'objet qu'une fois le pot au rose découvert : ce qu'on croyait être une caricature de casse n'était en fait qu'une projection fantasmée du protagoniste sous forme de pseudo flash-forward. Et autant dire que le déroulement dans la réalité sera d'une toute autre nature...
C'est presque une anecdote du point de vue du scénario, et pourtant cette première partie distillera son potentiel comique durant le reste du film, avec discrétion. Évidemment rien ne se passe comme prévu, rien n'est aussi beau, rien n'est aussi luxueux et parfaitement huilé comme dans les rêves d'un gentleman cambrioleur, mais le plus drôle est sans doute la prise pouvoir de Shirley MacLaine, qui passe du statut de potiche dont on se sert à celui d'actrice de premier rang. Lui est censé être un manipulateur cynique, elle une marionnette soumise, et pourtant cet équilibre aura tôt fait de voler en éclats (le coup du "you're so beautiful and clever, I love you" suivi du déclenchement de l'alarme a suscité un joli fou rire). Le principe de la confrontation du hold-up théorique à la réalité est une bonne idée en soi, et elle est très bien exécutée. C'est d'ailleurs un joli personnage féminin, qui apporte la note d'intelligence qui fait la différence, qui dame le pion à celui qui croyait tout savoir : c'est en quelque sorte le moteur du film. Un film qui joue énormément sur les apparences, un bandit malin pas si malin et pas si escroc, une cruche mutique pas si cruche et pas si mutique, et un pigeon richissime qui ne se laisse pas si facilement détrousser. Belle surprise en matière de divertissement léger.