Une jeune fille (Storm Reid) part à la recherche de son père (Chris Pine), physicien que ses expériences ont égaré dans une dimension parallèle. Mais ce voyage à travers l’espace ne va pas s’avérer sans risques…
J'aimerais véritablement dire du bien d’un film live Disney original, qui apporte un vent de renouveau à une époque où les studios aux grandes oreilles multiplient exagérément les remakes sans grand intérêt. Pourtant, le constat est bel et bien là, et il est cruel : Un Raccourci dans le temps est un échec sur toute la longueur. Je ne sais ce que vaut le roman originel de Madeleine L’Engle, un classique littéraire aux Etats-Unis, mais ce qui est sûr, c’est que le scénario qu’en tire Jennifer Lee est d’une incroyable pauvreté.
Prenant bien soin de poser les bases d’une mythologie fascinante, actualisant et adaptant les codes du conte de fées et du voyage initiatique à la science-fiction, le scénario n’exploite jamais ces bases. Ainsi, lorsque nos héros découvrent de nouvelles planètes, ces dernières n’ont aucun autre rôle que celui de nous jeter de la poudre aux yeux pendant qu’on attend que le scénario passe à la vitesse supérieure, comme l’illustre la scène tristement symptomatique du vol à dos de créature magique sur la première planète, enchanteresse mais qui fait office de remplissage comme rarement on en avait vu d’aussi évident, puisque sitôt le vol fini, les héros se retrouvent à leur point de départ sans avoir avancé d'un iota. A cette image, la scénariste ne semble jamais trop savoir mieux que son spectateur vers où elle se dirige, rendant l’avancée de son récit extrêmement laborieuse, d’autant qu'elle évite soigneusement, contrairement aux codes de la science-fiction, de prendre le temps de nous expliquer les quelques éléments « scientifiques » du récit (on ne nous expliquera jamais les règles de la compraction, par exemple).
Cela ne serait peut-être pas très grave si, au moins, le voyage nous en mettait plein les yeux, mais même à ce niveau-là, le film déçoit par un manque d’ampleur global qui, passées deux scènes plus ou moins épiques, envahit tout le récit. En effet, n’est pas Christopher Nolan qui veut, et à l’inverse d’Interstellar (dont le roman de Madeleine L’Engle faisait déjà partie des influences, ce qui est assez visible), Ava DuVernay n’arrive jamais à mêler le récit d’aventure grandiose et la chronique familiale intimiste. La deuxième écrase donc le premier, mais comme la subtilité n’est visiblement pas la caractéristique principale de la réalisatrice, c’est pour nous servir une détestable soupe dans laquelle Disney s'autoparodie en donnant du grain à moudre à tous ses détracteurs, à base de « sois toi-même », « crois en toi », « décide de ce que tu veux devenir » et autres morales à deux sous qui n’ont même pas le prétexte d’avoir été trouvées dans des papillotes de Noël pour être au ras des pâquerettes.
Si on ajoute à cela quelques tentatives d’humour insipides, une musique signée Ramin Djawadi aussi transparente que les prestations de Mindy Kaling ou de Reese Witherspoon et des personnages honteusement sous-exploités (Calvin, d’une inutilité incroyable, malgré la présence de Levi Miller qui prouve, après Pan, qu’il est un des jeunes acteurs du moment les plus prometteurs), on comprend qu’il n’y a plus grand-chose à retenir de ce qui s’avère à la fois le film le plus bizarre et le plus gros pétard mouillé que Disney nous ait jamais offert. A la rigueur une ou deux trouvailles scénaristiques intéressantes
(la possession du petit frère de Meg par la force maléfique du Ça, la banlieue américaine devenant un endroit sinistre et oppressant),
quelques idées visuelles, et la preuve que, n’en déplaise au politiquement correct en vogue un peu partout, être une femme de couleur ne permet pas de faire automatiquement de bons films… Ou bien, si l'on préfère voir le verre à moitié plein, que même en terme de médiocrité artistique, les réalisatrices de couleur parviennent à être égales à leurs confrères blancs. Une nouvelle avancée de l'égalité contre la discrimination ?
Signalons tout de même que les studios Disney avaient déjà signé une bien meilleure adaptation du roman de Madeleine L'Engle à travers l'excellent téléfilm de John Kent Harrison, Les Aventuriers des mondes fantastiques.