Boris Svartzman réalise ici son premier long-métrage et s’intéresse de près au sort réservé aux millions de paysans chinois expropriés chaque année. La Chine est en constante mutation immobilière et on ne compte plus les documentaires à ce sujet, notamment I Wish I Knew (2010) de Jia Zhangke.
Pendant 7 ans, le réalisateur a posé sa caméra à Ghanzhou, une île fluviale à proximité de Canton. Les 2 000 villageois furent chassés par les autorités locales pour permettre un projet d’urbanisation (une « île écologique »). Sauf qu’en Chine, le droit de propriété, les autorités s’en foutent éperdument et prennent un malin plaisir à se simplifier la vie, en expropriant purement et simplement les habitants (on dénombre ainsi 5 millions de paysans expropriés chaque année en Chine). Seraient-ils allergiques à la paperasse administrative ? Comme le dit si bien un des villageois dans le film : « le mot "Droit" n'existe pas en Chine ».
Entre résistance et résilience, certains habitants de Ghanzhou n’ont pas eu peur d’affronter les autorités et la pression policière (menaces, intimidations, surveillance quasi permanente, coupure d’eau et électricité) et sont revenus vivre dans les ruines de leur village, voir dans leurs propres maisons. Comme si chacun brandissait un bon gros fuck au Parti Communiste, chacun tente à sa manière de se réapproprier ses lieux, de se réinventer une vie, bref de tenter de vivre avant la prochaine et ultime évacuation.
En ayant passé autant de temps à leurs côtés, Boris Svartzman a su se faire accepter au sein de cette petite communauté. Les langues se délient et certains n’hésitent pas à dire tout haut ce que chacun pense tout bas (tenir de tel propos face caméra et dans un pays tel que la Chine où les droits de l’Homme sont bafoués, relève à la fois du courage et du suicide).
Un documentaire saisissant, qui lève le voile sur ce qu’est capable de faire le gouvernement chinois envers ses concitoyens. Entre colère et nostalgie, les habitants résistent comme ils peuvent, tel David contre Goliath (moments forts du film, la lecture des courriers envoyés par les habitants auprès des autorités, pour qu’elles respectent leurs droits à la propriété et que cesse ce harcèlement).
Un combat (hélas) perdu d’avance mais que ce film aura pu nous permettre de voir tel un journal de bord année après année et où le contraste est saisissant. D’un côté, Dame Nature qui a fini par reprendre ses droits et envahit les ruines de l’ancien village et de l’autre, la nouvelle mégalopole en construction, qui n’a d’écologique que le nom. La spéculation immobilière dans toute son horreur.
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