Dans une interview donnée à la sortie du film, Winona Ryder revenait sur sa dépression survenue au milieu des années 90, ce qui l'avait poussé à tenir le premier rôle dans Girl, Interrupted. De toute évidence cela l'a aidé pour le rôle de Susanna Kaysen, puisque même si le long-métrage a des défauts, il parvient à être juste lors des moments clés.


L'ensemble est correctement filmé, mais le travail de mise en scène est surtout intéressant au début. La perte de repères de Susanna est montrée à travers des rêves et des flashbacks, imbriqués dans le récit à l'aide des raccords regards et des raccords mouvements. On suit littéralement le fil ininterrompu des pensées de la jeune femme, ce qui permet d'établir le bazar dans sa tête de manière ludique.


Le film veut présenter l’hôpital psychiatrique dans son quotidien et y arrive plutôt bien. Les patientes bénéficient d'un casting agréable (j'aime beaucoup Clea DuVall, et Brittany Murphy possède un rôle intéressant). Le film n'aborde pas ces malades avec un regard noir et blanc : elles ont toutes un problème psychologique mais à différent degré, personne n'est complètement normal mais personne n'est complètement cinglé non plus. Ainsi, on comprend que Susanna, qui avait du mal à s'intégrer à l’extérieur, trouve rapidement sa place à l’intérieur de l'établissement, bien qu'elle affirme le contraire.


L'amitié que l'héroïne développe avec Lisa, une patiente instable jouée par Angelina Jolie, est remplie d’ambiguïté puisqu'elles sont en quelque sorte les deux faces d'une même pièce. C'est d'ailleurs le fossé qui les sépare qui sera l'élément de résolution.


Le réalisateur en fait des caisses alors qu'on sait très bien que Daisy s'est suicidée, mais la rupture est nette entre la réaction de Susanna et celle de Lisa : c'est un dur rappel à la réalité pour la première tandis que la deuxième s'enfoncera dans le déni et le cynisme pour se protéger. Cette séparation est même suggérée par le cadrage. Bref, une scène puissante qui commençait pourtant bien mal.


On peut d'ailleurs saluer la prestation de Jolie, qui semble jouer correctement quand elle n'incarne pas une aventurière britannique. Elle a su s'approprier la violence enfermée dans le personnage sans tomber dans le surjeu, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde (coucou Brad Pitt dans L'Armée des 12 singes).


Mais c'est dommage qu'entre cette introduction et cette conclusion se glisse un rythme chaotique. Le film tient à montrer la cohésion qui se forme peu à peu entre les patientes ainsi que les tourments psychologique du personnage principal, qui n'arrive pas à mettre des mots sur son mal-être, soit. Mais c'est maladroit, on a du mal à voir où il veut en venir et il tourne (un peu) en rond. Quelques sous-intrigues aurait pu être raccourcies pour dynamiser l'ensemble.


En somme, Girl, Interrupted est un biopic un peu simple qui dégage pourtant quelque chose de fort. La déconstruction et la reconstruction de Susanna est juste, bien écrite et parlera à plus de personne qu'on pourrait le penser.

MemoryCard64
7
Écrit par

Créée

le 6 nov. 2015

Critique lue 4.1K fois

1 j'aime

MemoryCard64

Écrit par

Critique lue 4.1K fois

1

D'autres avis sur Une vie volée

Une vie volée
RemyD
7

Vol au-dessus d'un nid de coucou au féminin

Après la corruption policière («Cop Land»), James Mangold entraîne Winona Ryder et Angelina Jolie dans un asile psychiatrique des années 60. Décidément James Mangold privilégie les univers fermés sur...

le 16 oct. 2010

18 j'aime

1

Une vie volée
EricDebarnot
4

Circulez, il n'y a rien à voir !

Circulez, il n'y a rien à voir. Mangold déçoit dans cette "Vie Volée" après ses beaux débuts, et ne réalise qu'une platissime chronique d'un internement psychiatrique, qui souffre évidemment de...

le 30 mars 2015

15 j'aime

Une vie volée
Lenoskaa
7

Une confusion plutôt chouette

Ce que j'aime par dessus tout, que ce soit dans les films ou dans les séries, c'est qu'on renverse le pré-établi : le meurtrier presque super héros dans Dexter, les prisonnières meilleures que les...

le 11 févr. 2015

15 j'aime

Du même critique

Les Malheurs de Sophie
MemoryCard64
5

Le plus grand damage control de 2016 ?

Les Malheurs de Sophie fait partie des quelques romans qui m'ont donné le goût de la lecture plus jeune. J'ai donc un attachement tout particulier pour cette histoire et l'attendais au tournant...

le 27 avr. 2016

13 j'aime

2

T'aime
MemoryCard64
1

T'aime T'aime et nanar

"Gontieeeeeeeer ! Hé ! GONTIEEEEEEEEEER ! Gontier c'est à toi qu'je parle ! Comme tes avocats ont décidé que j'pouvais voir ma fille que demain et qu'c'est ce soir... qu'j'ai envie lui dire que je...

le 26 oct. 2016

10 j'aime

4