Urban Legend 3 : Bloody Mary
3.1
Urban Legend 3 : Bloody Mary

Film DTV (direct-to-video) de Mary Lambert (2005)

Le film commence comme la copie Z du Carrie de Brian De Palma : Urban Legend 3 affirmerait-il une ultime fois, sur le lit de mort de la franchise, son droit à reproduire le travail d'un autre grand réalisateur ? Après la tentative ratée des deux premiers volets de piller les Scream de Wes Craven (sur le fond autant que sur la forme), c'est au tour de De Palma et Bernard Rose, réalisateur de Candyman, de passer à la moulinette du plagiat Made in Columbia. Il lui suffit d'à peine un quart d'heure pour le confirmer : abandonnant l'idée mort-née des opus précédents de reproduire les codes du néo-slasher en les recontextualisant dans un milieu d'études atypique (une faculté d'abrutis congénitaux pour le premier, une école de dégénérés cinéphiles dans le bien nommé Final Cut), Urban Legend 3 va heurter les conflits sociaux trouvables au lycée (résumé à l'obsession du regard des autres) à sa réadaptation de la légende urbaine Bloody Mary.


On aurait pu considérer comme effort d'écriture cette pseudo analyse des rapports qu'entretient l'adolescent à l'autre ainsi qu'à son propre corps, s'il n'avait pas résumé son propos qu'au simple fait de se servir d'un semblant de réflexion pour justifier des excès gores en tous genres. Ce changement de ton de la franchise, qui décide à présent de dissimuler sa bêtise derrière des pistes de réflexion balancées en filigrane, concerne autant son fond que sa forme, puisque Bloody Mary (si l'on omet de rappeler la perte subite de budget) tourne le dos au slasher pour moderniser son concept en plagiant cette fois la saga populaire de l'époque, Destination Finale.


Le tueur fou cède sa place à une punition métaphysique, inarrêtable, à mi-chemin entre la destinée morbide des DF et la télékinésie sanglante de Carrie, au bal du diable.


Force est de constater que si ce changement de direction apporte tout aussi peu d'originalité conceptuelle que le principe de base des premiers volets, il conduit l'intrigue dans une direction bienvenue en mettant plus en lumière l'enquête que la traque (façon The Ring de 2004, en prévisible cette fois) et transmettra au spectateur une certaine volonté des scénaristes de ne pas se contenter de peu quand ils peuvent nous servir quelque chose de plus élaboré que par le passé (avec une tentative à moitié ratée de ne pas paraître pour manichéen).


La construction de l'intrigue visant à dédiaboliser la figure meurtrière au profit de la dénonciation de la vraie menace, humaine cette fois et bien populaire comme il faut, tend à confirmer, par les morts extrêmement trashs des personnages considérés comme socialement admirables (puisque beaux et de bonne réputation), que la franchise ne suivra plus de groupe de jeunes à proprement parler, préférant à présent se concentrer sur un duo à peine plus intéressant que les personnages principaux des précédents films.


Il n'empêche que si l'intention de faire un film plus intimiste, moins porté sur les clichés des facultés américaines était louable, l'écriture reste, il fallait bien s'y attendre, incapable de surprise ou de la moindre prise de risque. Elle n'évite pas de s'allier à la vulgarité de sa mise en scène (qui ne sait jamais quand et que cacher de ses meurtres) pour nous livrer des scènes d'horreur au sadisme souhaité, et rappelle à ses dépends l'indispensabilité de la suggestion dans l'efficacité du cinéma horrifique ultraviolent.


Pratiquement tout est montré en gros plan, tout expliqué dans de longs dialogues qui pensent passer pour mystérieux : mais les mises à mort, tout aussi sadiques qu'elles soient, n'en sont pas plus effrayantes parce qu'elles en sont plus violentes, et l'intrigue, résolue à grands sabots, pas plus intelligente parce qu'elle multiplie les détails et les révélations. Il est d'autant plus impertinent de viser l'excès lorsqu'on n'a pas le budget pour l'assumer (on repassera sur les araignées en images de synthèse ou le monstre qui cherche son orteil, deux scènes trouvables en bien plus qualitatives dans le sympathique Scary Stories).


Difficile de croire à un film qui ne cherche tellement pas à dissimuler son déficit monétaire qu'il nous le rappelle en permanence (ses longues mises à mort en gros plans jurent cruellement). Mais paradoxalement, ce manque évident de budget (ressenti jusque dans sa photographie) le dote de cette fameuse personnalité crasseuse, glauque, sale qu'ont soit les films si mauvais qu'ils en deviennent des fautes de goûts, soit les films si fauchés qu'ils en créent un malaise palpable.


L'une ou l'autre des hypothèses est envisageable lorsqu'on voit le jeu des acteurs, constamment à côté de la plaque et incapables de trouver, ne serait-ce que quelques secondes, le ton à adopter. Ne rêvez pas, il n'y a pas grand chose à en tirer : ni son fond primaire ni son esthétique douteuse (surtout pas sa photographie), encore moins son intrigue et ses emprunts récurrents. La franchise enfin enterrée (pour de bon, espérons le) il faudra attendre presque 15 ans, jusqu'en 2019, pour que sorte le premier film d'horreur populaire (et respectable) portant sur les légendes urbaines, Scary Stories, qui adapte enfin le potentiel du concept de façon décente.


Notes au hasard : Amusant de se dire que le film, repompe de la saga Destination Finale, comporte une scène de mort sous UV rappelant fortement le troisième volet de la franchise, sorti un an après celui-ci; l'inspiré serait-il devenu source d'inspiration?

FloBerne

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