Quatre ans, c'est long. C'est très long. En quatre ans, t'as le temps de changer de meuf, de maison, de voiture, de vie; de sexualité, même. En gros, quatre ans c'est aussi long qu'attendre un film pendant quatre ans. Cette phrase n'avait aucun sens logique. Mais c'est pas grave, on va dire que c'était du lyrisme baudelerien.
De cette introduction qui n'a littéralement servi à rien, il y a quelque chose à retenir : moi, Florent, 18 piges, j'attends fébrilement le nouveau Batman depuis quatre ans. Et c'était long. Très long. Tout comme le film. Et plus c'est long, plus c'est bon. C'est connu. Cette critique aussi sera longue. Donc bonne. CQFD.
Pour commencer tout doucement, évoquons déjà le casting. Concrètement, c'est du bon; ça reste fidèle à l'interprétation de Man of Steel, avec, bien heureusement, quelque intensité en plus. La qualité viendra sûrement des nouveaux arrivants, soit d'Affleck qui, avec la gueule d'un Kong qui fait la gueule, s'oppose parfaitement à la folie d'un Eisenberg comme possédé par son rôle de Joker. Pardon, qu'ai-je écrit? Je n'arrive plus à me relire ...
Ouais, tu l'auras compris mon pote, y'a plus grand chose de Superman dans ce Man of Steel Bis, tellement qu'on aurait carrément dû l'appeler Dark Knight Returns, ou "Pan ! Bim dans ta face, le mec au slip rouge !" ou, mon préféré d'entre tous : "Prends ça dans ta gueule, p'tit bâtard de boyscout!". L'on se trouve clairement devant une Batmanisation du mythe de Siegel et Shuster : le filtre d'image est sombre, noirâtre, tout comme Eisenberg, comme je le disais, s'est prit pour le Joker.
Sauf que contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce point d'analyse entre dans le champ de ses qualités. Le film, perdant l'aspect graphiquement lisse de son prédécesseur, goûte à la sombreur de son personnage principal, de son protagoniste à tête de chauve-souris, tombant dès lors dans une matûrité peu commune au genre, et franchement dépaysante lorsque les références actuelles sembleraient être, à en suivre les goûts communs de l'opinion publique, ces daubes de Age of Ultron et Amazing Spider-man 2.
Mais étrangement, un autre phénomène est à signaler : outre la Batmanisation de son Superman, le film connaît également la Watchmenisation de son Batman. Je sais, c'est spécialement comique. Cela, voyez-vous, est principalement causé par la mise en scène de Snyder, particulière et stylisée, entre la matûrité extrême et le ralenti spécifique dans sa manière d'être tourné. L'image fourmille donc de détails, avec une stylisation complète du rythme et des images.
La tournure est particulière, le rendu final atypique, presque éblouissant. C'est balaise, et change complètement de ce que l'on fait aujourd'hui. Disons juste que comparé à "Thor 2" ou Suicide Squad, y'a pas grand chose, en ce qui concerne la mise en scène, de lisse dans ce film. L'on sent l'amour qu'a Snyder pour les personnages, et son attachement aux thèmes qu'il développe. Le type fait une oeuvre, une vraie, pas un truc casse gueule et aseptisé ( même si la violence se révèle peu présente, au final, mais on n'a jamais eu besoin d'hémoglobine à tout va pour faire quelque chose qui ne soit pas convenu ).
Des thèmes d'une étrange intelligence, d'ailleurs; cela, je ne peux l'éviter dans mon article. Ce n'est pas même envisageable. Snyder aime imposer son style, fournir un matériau suffisamment large pour favoriser la réflexion du public. Tout comme il le fit pour son "Watchmen", voilà qu'il renouvelle l'expérience du film à message, délivrant une réflexion passionnante sur les conséquences entraînées par les héros qui, croyant faire le bien et sauver le monde, laissent des victimes innocentes dans leur sillage, ne provoquant que malheur et destruction.
C'est passionnant à suivre, tout comme la montée émotionnelle de l'oeuvre qui, du début à la fin, nous livre un combat psychologique intense et réfléchi, et foutrement original dans le paysage actuel ( je précise bien ). Sans abominablement pomper le comics de Miller, s'en inspirant de la meilleure des manières, Snyder parvient à surprendre tout en plaçant, par ci par là, un fan-service appréciable.
Mais comme je l'ai dit, le fan-service reste dans la mesure la plus totale. A noter, avant de conclure, qu'il manque une musique marquante pour le Batman; la seule dont je me souvienne fut celle de Wonder Woman. Ah, et avant de nous quitter pour de bon, les bandes-annonce ne spoilent rien d'autre que le bad guy du film; pas la peine de sortir que le film est mauvais à cause de sa promotion. Tant que tu n'as pas le contexte, je peux t'affirmer que cela ne révèle rien de spécial.
Oui, j'ai bien aimé. Mieux, j'ai adoré. Les combats, très bien foutus, rappellent clairement, de par leur violence, les magnifiques et esthétiques affrontements du chef-d'oeuvre de Snyder, Watchmen, entre la brutalité animale et l'habileté propre à l'homme. En ce qui concerne l'écriture, c'est pas franchement décevant. J'avais peur de tomber sur un "Batman version Superman", et j'ai eu ce que je demandais : un bon "Batman versus Superman".
Critique publiée sur le blog.