Saison 1 : 9/10.
Au cinéma, nombre de personnages se sont fait massacrés pendant des décennies, sans vergogne ou une once de progrès. Les comics aussi ont été touchés par cette mode de la destruction de mythe : de Daredevil à Hulk, on en a vu passer des naufrages cinématographiques plus destructeurs que la catastrophe du Titanic. Le Punisher fait partie de ces icônes mal traitées, de ces idoles détruites.
Mais comme pour Daredevil, le salue a récemment pointé le bout de son nez : par le biais des séries, la réputation de ce monstre des comics (dans tous les sens du terme) pouvait enfin être réhabilitée. Le Punisher pouvait redevenir celui qu'il était bien avant les Travolta ou les Lundgren, recouvrir toute la violence de son art, tout le sadisme de son univers.
Déjà introduit dans l'excellente saison 2 de la série Daredevil (il y tenait un rôle prédominant), le Punisher de Bernthal déboite des gueules cassées, fracasse des pervers à coup de batte, explose des visages sales tout en exposant des vies cachées de politique véreux. Il punit, démonte tout, fait couler des rivières et des rivières de sang.
Ca, c'était avant que sa série ne sorte.
Depuis, Frank Castle est devenu quelqu'un de plus sage. Il s'est rangé. Enfin, c'est ce que voudraient nous faire croire les scénaristes. Quand on connaît le personnage, on sait très bien que ça va forcément partir en couilles à un moment donné de l'histoire. Quand on connaît le personnage, on ne se trompe pas.
Et c'est un détail intéressant que l'on tient là : ceux qui seront venus pour de la violence constante, pour du gore intense tout au long de l'oeuvre seront foncièrement déçus. Parce que la série a eu la présente intelligence de ne pas entièrement satisfaire les fans du personnage : elle nous donne des éléments petit à petit, sait faire monter la pression jusqu'au climax, véritable apogée de tout ce qu'a pu nous présenter la série.
Bien plus qu'un enchaînement de violence et de tripes versées, The Punisher est une série tout en finesse, tout en habileté. Les thèmes présentés seront intéressants et bien traités, touchants et nuancés. Le syndrome post-traumatique, le système américain qui abandonne ses soldats blessés ou fait disparaître ceux qui savent trop de choses sur les mauvaises personnes, le terrorisme lâche, le malheur causé par la perte d'êtres chers, l'amitié : tant d'idées amenées de main de maître par un récit qui maîtrise ce qu'il veut nous dire, ce qu'il veut nous faire comprendre.
Ainsi, The Punisher est une série qui nous parle, qui nous dit des choses : c'est une oeuvre engagée qui laisse à songer sur la légalisation des armes dans le pays, sur la violence causée par des idéaux trop extrêmes, sur le regard critique que l'on porte aux autres. Une série qui surfe sur l'actualité comme le Silver Surfer surfe sur les étoiles, et demeurera d'actualité pendant longtemps encore.
La manière de faire est intéressante : mélanger tous ces thèmes ensemble, les unir au sein d'une série d'action, l'emmenant alors vers le psychologique et le social, briser les codes et ce qu'on attendait; là est la plus grande réussite des scénaristes. Ils nous surprennent où on s'y attend le moins, nous prennent constamment de court sans qu'on puisse s'y préparer : imprévisible et surprenante, la série se compose également de fins d'épisodes toutes plus addictives les unes que les autres, maintenant sa qualité de twist jusqu'à la dernière scène de cette première saison, terrible instant qui vous laissera silencieux, sans savoir quoi dire.
The Punisher est une série qui marque de part la matûrité des thèmes abordés et la violence de ses personnages torturés. L'adaptation est excellente, l'univers malsain, sale et glauque respecté. Un univers que la mise en scène se donne un mal fou à reproduire, y parvenant tout le temps. Une mise en scène unique s'il en est, tant elle cadre spécialement ses acteurs, ne montrant souvent que la moitié de leur corps pour laisser l'autre moitié aux décors. Un choix intéressant, surprenant, artistiquement réussi.
Les acteurs apporteront largement au succès de la série : que ce soit la violence primaire d'un Jon Bernthal ayant enfin trouvé le rôle de sa vie, ou la beauté sauvage d'une charismatique Amber Rose Revah, en passant par le mystère pervers d'un Ben Barnes et l'innocence stupide d'un Ebon Moss-Bachrach, ou la folie saisissante d'un Danie Webber, il y aura clairement de quoi faire au niveau des interprétations marquantes. Chacun tire son épingle du jeu, parvient à s'emparer de l'attention sans grande difficulté. Acteurs mémorables s'il en est, il en ira de même pour leurs personnages et les acteurs que je n'ai pas cités; vous en découvrirez d'autres de bien fameux, je n'en doute pas.
Marvel's The Punisher est donc une entière réussite, le genre de surprise qui fait plaisir et donne de la confiance pour les adaptations à suivre. On espère une saison 2, on espère le même niveau, et surtout, on espère le retour de tout ce casting inoubliable, de ces trognes marquantes qui manqueraient cruellement si elles disparaissaient de la liste des interprètes.
Une série marquante, profonde, touchante, humaine, qui termine en apothéose. On est proches du chef-d'oeuvre.