Vincent est un super-héros français !
Thomas Salvador, qui réalisa le film, coécrivit son scénario et joua le personnage principal est friand de comics et de films de super-héros. Avec « Vincent n'a pas d'écailles », il a voulu faire un film de genre à la française qui contourne totalement les codes cinématographiques dudit genre.
Lorsque Vincent est au contact de l'eau, sa force et sa vitesse sont démultipliées. Il s'installe donc dans une région tranquille parsemées de lacs et de rivières où il pourra barboter sans être inquiété. Mais un jour, alors qu'il se baigne dans un cours d'eau isolé, il tombe nez à nez avec Lucie (jouée par Vimala Pons), dont il tombe amoureux et à qui il révèlera son secret.
Le cinéaste ne prend pas son public pour des individus débiles à qui il faut tout expliquer et à qui il faut tenir la main tout au long de l'intrigue, sans quoi ils pourraient s'égarer. Le film ne perd pas de temps à expliciter tous les éléments de son histoire. Le spectateur sait ce qu'il voit, et quand il ne le sait pas, il le devine ou bien l'imagine. On ne nous montre pas la provenance des aptitudes de Vincent. Peu importe de savoir d'où viennent ces capacités surnaturelles, ce qui est important est ce qu'il décide d'en faire et où tout cela le mènera. En définitive, Thomas Salvador ne considère même pas son personnage comme étant un super-héros dans la mesure où il ne qualifie pas ses capacités comme étant un super-pouvoir. Il n'envisage pas qu'elles lui aient été « données » dans un but précis ou par coïncidence, par une entité supérieure ou le destin. Qui sait ? Il ne s'agit que d'un homme ordinaire avec des compétences extraordinaires qui tente de vivre au quotidien malgré sa différence. À aucun instant il ne se sent investi d'une quelconque mission.
Vincent n'est pas un super-héros. Il est un homme. Un vrai. Un homme qui existe.
Ce long-métrage de non-super-héros est ancré dans la réalité et se pare d'une approche très réaliste, presque naturaliste. Tout y semble tellement vrai. Nous sommes plongés dans une dimension extrêmement humaine à laquelle tout le monde peut s'identifier. Le film a été tourné sans aucun effet spécial, avec des décors naturels et des effets mécaniques en guise de trucages. Aucune animation numérique. Nous sommes immergés dans ce décor sublime (les gorges du Verdon dans le sud de la France) dépeint par ces plans fixes, très descriptifs, qui cristallisent l'instant présent et mettent à l'honneur la beauté du patrimoine français. Lorsqu'il est derrière la caméra, Thomas Salvador scrute la vie de Vincent et retranscrit l'image ironiquement très proche d'un documentaire animalier : le personnage est constamment filmé dans son état naturel, dans son élément, dans l'eau. Tout cela est très contemplatif, silencieux, avec fort peu de musique et de dialogues. Nous nous posons en spectateur devant cette histoire qui semble si réelle et suivons la vie de cet homme.
Le métrage tire toute sa force de son aspect concret, abrupt et universel. Vincent n'a pas d'écailles : en dépit du fait qu'il possède un pouvoir incroyable, il n'a pas d'écailles, il n'est pas un monstre, il est humain, et sa marginalisation est de son propre fait, tout comme il a choisit de vivre paisiblement isolé des foules. C'est lui qui décide de vivre ainsi, en retrait, et c'est lui qui doit faire le choix de la manière dont il va user de ses capacités. Contrairement aux classiques films de super-héros niais, inconséquents, irréalistes et vides de sens qui caractérisent les écuries Marvel et DC, « Vincent n'a pas d'écailles » possède de véritables enjeux auxquels quiconque peut s'identifier. Le personnage prend conscience, concrètement, de la responsabilité inhérente à sa situation ainsi que les conséquences éventuelles de son pouvoir : il peut blesser des gens voire les tuer, se faire poursuivre par les autorités, devenir une cible traquée sans relâche... Tout bascule d'un moment à l'autre et la vie de Vincent s'écroule. Subitement, le calme laisse place au chaos et à la peur.
Le film se pare d'un réalisme à toute épreuve qui permet à n'importe qui de comprendre la situation de Vincent et de ressentir de l'empathie à son égard : que ferai-je à sa place ? Thomas Salvador filme des vraies personnes, des humains qui existent et non des figures irréalistes ou des modèles de vertu stupides qui ne vivent que dans l'imaginaire des enfants-consommateurs de notre société occidentale qui souhaitent acheter la figurine de leur héros favori. Le métrage va droit à l'essentiel, sans fioriture, sans avoir besoin de développer des choses évidentes pour un spectateur averti. Il raconte ce qu'il souhaite raconter de façon concise, en 1h15, sans ajout superfétatoire. Et pour une fois dans l'histoire des films de super-héros, la romance avec le héros qui est décrite dans l'intrigue n'est pas un artifice au service du scénario mais possède une véritable place dans la narration et poussera le personnage à prendre de vrais risques. Et peut-être qu'il perdra tout pour elle.