Vendu comme le premier film de super-héros français, Vincent n’a pas d’écailles n’a évidemment rien d’un blockbuster à la Marvel avec patriotisme nigaud et destruction massive de grandes villes. Déjà parce que Vincent n’en est pas un, de super-héros, mais un type ordinaire découvrant qu’il est plus fort et plus rapide au contact de l’eau (Popeye lui, c’est avec des épinards, chacun son truc), et obligé de se marginaliser pour préserver son incroyable secret. Ensuite parce qu’il y a déjà eu La femme invisible d’Agathe Teyssier où Julie Depardieu, en pleine déroute existentielle, devenait littéralement transparente aux yeux des autres.
Le super-héros en France, c’est d’abord une question de doutes, de prises de têtes et de quête de soi. Pas besoin d’effets spéciaux ni d’explosions spectaculaires : du social réaliste et un deux pièces/cuisine suffisent. Filmé à l’économie en mode bricolage, ce premier long-métrage de Thomas Salvador donnait envie. À l’arrivée, petite déception pour un objet certes attachant et singulier, mais auquel il manque un réel grain de folie et une mise en scène fringante, le condamnant de fait à l’anecdotique, au petit film sympa sans plus. Construit en trois segments avares en dialogues, le film détourne sans cesse les codes et les attentes du film de super-héros, allant même jusqu’à parodier le célèbre baiser «inversé» dans Spiderman.
Si les premières minutes intriguent par leur discrète nonchalance, elles deviennent vite lassantes et trop répétitives : Vincent arpente lacs, torrents et rivières en imitant Flipper ou l’homme de l’Atlantide, apprend à nager vite, à faire des bonds, à nager encore plus vite et à parfaire ses bonds. La suite s’anime davantage en amorçant la relation amoureuse entre Vincent et Lucie, emmenée par le joli couple que forme Salvador lui-même, rigolo avec sa tête d’ahuri laconique, et Vimala Pons, tout en sourires et en énergie. Avec sa tenue de plongée comme improbable costume et des policiers lancés à ses trousses en méchants providentiels, Vincent n’aura d’autres choix que de s’exiler vers la seule et unique patrie des super-héros, celle de toujours, la vraie, celle de Superman et de Batman : l’Amérique.