Pour son deuxième film américain, Miloš Forman adapte le roman "La Machine à brouillard" de Ken Kesey et gagne cinq Oscars dont ceux du Meilleur Film, du Meilleur Scénario adapté et du Meilleur Réalisateur. Il faut dire que cette virée dans les entrailles d'un hôpital psychiatrique chamboulée par un nouveau résident déjanté est unique et passionnante. Ce forcené aux allures de rebelle, c'est McMurphy interprété par l'inégalable Jack Nicholson (qui gagnera lui aussi un Oscar pour l'occasion). Un rôle sur mesure pour la star de Chinatown qui démontre enfin ses talents de dingue à l'écran et nous livre ici une mémorable prestation...
Entre rires et larmes, ce nouveau résident en parfait état mental simule la folie pour échapper à la prison mais conserve ses mauvais habitudes. Anticonformiste jusqu'à la moelle, tire-au-flanc passionné de sport et machine à insultes en tout genre, McMurphy fait soudainement tâche parmi les différents dingos de l'institut. Pourtant, il va très vite s'attacher à eux et inversement, notamment auprès du dépressif Dale (William Redfield, épatant), du timide Billy (Brad Dourif, la révélation), du maniaque Charlie (Sydney Lassick), du colérique Max (Christopher Lloyd dans son premier rôle) et du quasi-autiste Martini (Danny DeVito, alors débutant).
Il va également se lier d'amitié avec un Indien géant sensément sourd-muet campé par l'impressionnant Will Sampson. Une bande de cinglés qui vont ré-apprendre à vivre grâce à la joie de vivre et l'ingéniosité de leur nouveau camarade, quitte à se confronter à la terrible infirmière Ratched (Louise Fletcher, glaciale au possible). Enchaînement de séquences toutes plus réussies et inventives les unes que les autres, Vol au-dessus d'un nid de coucou nous présente non seulement l'évolution de personnages travaillés à la perfection (bien que jugés pas assez par l'auteur du roman), allant vers un destin émouvant comme jamais, mais nous présente aussi les pratiques douteuses des hôpitaux psychiatriques et les restrictions abusives ou maladroites de l'équipe soignante.
Après tout, qu'est-ce qui fait que l'on est fou et qui peut concrètement en juger ? C'est cette question qui enveloppe le film à travers les propos de notre héros, incompréhensif devant les aberrations de cette nouvelle prison. Peuplé de scènes cultes par dizaines, de répliques mémorables et d'un scénario fabuleusement immersif, le film de Miloš Forman reste un chef-d'œuvre intemporel que le temps apprécie tout particulièrement.