Ce film de science-fiction réaliste pourrait être un cas d’école de ce que la crise actuelle et inédite a fait subir aux sorties cinéma depuis bientôt un an et demi. « Voyagers » devait sortir l’automne passé, a été annulé puis reprogrammé à la lumière d’une hypothétique sortie de crise au printemps. Résultat, il est sorti aux États-Unis peu de temps après la réouverture des salles sans trouver son public avec un bide retentissant (moins de 5 millions de dollars de recettes), a été privé de sortie au Québec et se voit gratifié d’une minuscule sortie technique en France avec seulement quatre salles le projetant dont même pas une seule à Paris. On pensait que le destin de « La femme à la fenêtre » débarqué sur Netflix était sacrifié et qu’on ne pouvait pas faire pire mais cette production au budget relativement conséquent fait encore pire. En effet, s’il avait été racheté par Netflix ou Amazon, il aurait certainement bénéficié d’une plus grande visibilité car il est loin d’être honteux. C’est un peu une sorte de transfert dans l’espace du culte « Sa Majesté des mouches » mêlé à un « Battle Royale » en mode anticipation et surtout plus sage.
Le script part d’un postulat contextuel usé jusqu’à la corde : la Terre se meurt pour différentes raisons et les humains tentent de trouver et coloniser une nouvelle planète pour sauver leur espèce. On l’a vu récemment avec la magistral « Oxygène » mais aussi avec toute une palanquée de films de science-fiction américains plus ou moins récent comme « Passengers », avec qui celui-ci développe pas mal de similitudes. Mais, une fois cela posé, « Voyagers » prend une tout autre direction. En enfermant trente jeunes adultes dans un vaisseau spatial pour repeupler une planète lointaine, le long-métrage de Neil Burger se mue en tout autre chose. La mort de leur commandant va scinder le groupe en deux et créer des tensions de plus en plus grandes. Entre thriller, film de survie en milieu hostile et science-fiction psychologique, le scénario est plutôt original et prenant. On le trouve peut-être un peu long à démarrer mais la seconde partie ne manque pas d’action et de panache pour nous distraire et s’avère captivante et sous tension.
Cependant, « Voyagers » développe pas mal de lacunes, notamment dans la caractérisation de ses personnages, tous un peu trop binaires. Les trois principaux sont certes un peu plus travaillés. A ce titre, Fionn Whitehead tire son épingle du jeu en méchant : il agace et fait vraiment peur. Tye Sheridan et Lily-Rose Depp semblent plus fades et effacés. De la même manière il ne faut pas chercher le grand film de science-fiction à thèse ou le grand spectacle qui en met plein la vue, le film se positionnant plutôt comme une série B de luxe faute de budget. En effet, c’est certainement le manque de moyens qui reste le plus gros défaut du film. Les effets spéciaux sont réussis mais rares et on a l’impression que le film a été tourné dans trois décors uniques dont ces longs et sempiternels couloirs blancs. Cette carence de budget se ressent et ne donne pas l’ampleur nécessaire pour que ce soit une œuvre mémorable du genre. Néanmoins, « Voyagers » est un petit film de science-fiction pas déplaisant et assez original.
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