TÁR
6.7
TÁR

Film de Todd Field (2022)

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de nombreuses récompenses nous a laissé sur le carreau. C’est ce qui s’appelle totalement passer à côté d’une œuvre en quelque sorte. C’est d’autant plus frustrant lorsqu’on sait qu’elle semble être acclamée un peu partout par les critiques professionnels. On sait aussi que d’être acclamé par la profession (presse ou festivaliers) n’est pas forcément synonyme de réussite ou de grand film, ce qui prouve parfois aussi une certaine scission entre les goûts du public et ceux d’une critique prétendument élitiste et déconnectée. Et il est évident avec ce « Tàr », pourtant loin d’être mauvais, que c’est un film destiné à un public très particulier, très cinéphile, très intello et peut-être un peu prétentieux comme l’est ce long-métrage ambitieux mais difficile, exigeant et hermétique, surtout au lors de sa première interminable heure. Parce que oui, il dure près de trois heures. Alors quand on s’y ennuie les deux tiers du temps, que l’on se sent exclu du processus et que l’on ne comprend pas ou l’on ne goûte pas à ce qui est dit, c’est vraiment très long.

L’idée de départ est plutôt alléchante. En effet, le cinéaste très rare Todd Field (trois films seulement en plus de vingt ans) nous propose le biopic d’une chef d’orchestre berlinoise immensément connue. Et plus le film avance (et si on ne s’est pas renseigné avant), on s’interroge sur cette présumée figure de la musique classique contemporaine. Sauf que le coup de maître du script de « Tàr » est qu’il est en fait un biopic fictif puisque ladite Lydia Tàr a été inventée de toute pièces. Donc Field tricote un passé et une biographie à une artiste complètement imaginaire. Après la flamboyance de « Elvis » et le trouble magnétique de « Blonde », deux immenses biopics, c’est l’année des films de ce type originaux et novateurs. Sauf qu’hormis cette idée maligne, le reste ici est soit fastidieux, soit poseur, soit inintéressant pour tout profane de musique classique et de ce milieu en général. Car durant une bonne moitié de cette œuvre, on a droit à des tunnels de dialogues abscons sur le sujet ou des logorrhées verbales tout aussi peu engageantes, moulées dans un film austère et plat que seuls quelques moments ravivent (la scène pivot de l’étudiant par exemple).

Une fois que l’on a compris que ce biopic était imaginaire, on adhère peut-être un peu plus à l’ensemble et une affaire de mœurs va venir redonner de l’intérêt à ce « Tàr » après en avoir été écarté durant plus d’une heure d’ennui total. Là on comprend un peu mieux où veut en venir le film et son réalisateur entre constat contemporain des diverses formes de la cancel culture, du wokisme et des mouvements féministes exacerbés. Le fait que ce soit une femme aux prises avec cela inverse intelligemment la donne et met à jeu égal pas mal de choses de manière fine et passionnante. Sauf qu’on a l’impression que le film effleure bien trop ses thématiques certes très présentes en ce moment mais qui auraient pu être traitées différemment ici. Malheureusement le long-métrage se perd constamment en digressions peu intéressantes et en scènes de confrontation où on ne sait même pas qui est qui. Alors oui cette mise en scène très rigide qui refroidit au début, c’est le cas de le dire, développe une beauté rare. Il y a aussi quelques fulgurances, mais ce film trop ambitieux (et prétentieux) qui se gargarise de lui-même semble vraiment être réservé à une catégorie de spectateurs très persévérants. En revanche, il parle de la pandémie de manière discrète mais intelligente contrairement aux films avec acteurs masqués de Claire Denis.

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JorikVesperhaven
4

Créée

le 27 oct. 2022

Critique lue 14.3K fois

90 j'aime

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Rémy Fiers

Écrit par

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