Le phénoménal succès de Wonder Woman contrastant de mille feux avec son classicisme pataud, la chose n’est pas sans rappeler le cas de Black Panther : ce dernier paraissant être acclamé pour, finalement, de « mauvaises » raisons, le long-métrage de Patty Jenkins s’inscrit pleinement dans cette lignée d’une représentation « atypique » à l’écran. Chacun dans l’ère du temps donc, avec d’un côté un casting résolument noir et, de l’autre, une empreinte féministe des plus marquées : mais cela est-il un gage de réussite si l’on juge le film pour ce qu’il est vraiment ? Pas forcément.
Au contraire, Wonder Woman n’ayant franchement rien d’original sitôt que l’on passe outre cette composante politisée : certes, le personnage fait justement écho à des décennies d’émancipation bienvenue, que traduisaient d’abord timidement les industries culturelles. Un porte-étendard logique, et indissociable donc, d’un mouvement ayant pris une ampleur exacerbée dernièrement : mais au même titre qu’il convienne de juger un long-métrage à l’aune de son médium, le contexte actuel tend à parasiter notre perception de sa véritable portée.
Pour en finir avec cette parenthèse conjoncturelle, les péripéties de l’Amazone sont de toute façon loin d’être exemplaires sous un tel prisme : Wonder Woman ne manque en ce sens pas de succomber à des poncifs dispensables ici, la romance forcée entre cette dernière et Trevor semblant invalider à elle-seule cette prétention d’indépendance ambiante. Qui plus est, le décor de la Première Guerre Mondiale, très antérieur aux nombreuses avancées que connaîtra la cause féministe, fait mine d'en faire des tonnes sans réel doigté : là aurait été l’occasion de véritablement marquer la fracture culturelle entre univers féminin autarcique et une société ultra-patriarcale… mais le récit se cantonnera à une légèreté de ton timorée comme facile.
Pourtant, il est indéniable que Wonder Woman essaye de bout en bout de tisser un semblant de réflexion, au point d’outrepasser son seul credo féministe : le raisonnement croissant quant à la responsabilité de l’humanité dans ses propres déboires, que pouvait « innocenter » une influence d’origine divine, est dans cet ordre d’idée franchement pertinent. Certes, la démarche n’a rien de très original pris en tant que tel, mais l’effort est là ; malheureusement, à l’image d’un récit linéaire comme simpliste, le film échoue à remuer, la faute en revenant à un développement quelque peu brouillon et confus (les « partis » Dieux, Amazones, Humanité, Femmes et Hommes abondent en ce sens).
Au terme de son dernier segment, le tout en vient même à enfoncer des portes ouvertes en faisant l’éloge du sempiternel « faîtes l’amour, pas la guerre », au point de contredire unilatéralement tout soupçon de nuances… quand bien même leur source prêterait au doute - quel beau-parleur cet Arès. Ce dernier demeure cependant un bon point, le rebondissement (attendu mais incertain) quant à son identité terrestre rehaussant au passage la paresse d’écriture d’une galerie archétypale (surtout du côté des seconds couteaux, très accessoires au bout du compte) ; on pourrait néanmoins se féliciter de la relative subtilité d’un Trevor subjugué par sa comparse exceptionnelle, elle-même portée par une Gal Gadot définitivement royale.
Pour le reste, Wonder Woman est donc sacrément plat : certainement trop long, l’ennui supplante sans peine aucune le frisson d’un épique aux abonnés absents. Son enrobage formel n’y est pas étranger tant celui-ci va multiplier les plans faussement iconiques, le tout saupoudré d’effets visuels parfois ratés (ni plus ni moins)… un peu comme si le film se cherchait à l’image de son héroïne, alors à des années-lumière de la maestria dantesque qu’invoquait son introduction dans Batman V Superman. La volonté de ne pas user de son thème fait alors sens, au regard de sa présente jeunesse et de son inexpérience, mais cela n’est pas suffisant pour justifier le peu d’ambition d’une bande-originale fade.
Bref, Wonder Woman n’est pas un mauvais film, loin s’en faut : mais, divertissement tout juste correct oblige, en chanter les louanges paraît quelque peu disproportionné.