Jean Vigo est un des artisans du réalisme poétique, courant français des années 1930. Il tourne son unique long-métrage (L'Atalante) juste avant de mourir. Il est déjà atteint par la maladie lorsqu'il réalise le dernier de ses trois courts, Zéro de conduite, satire de la vie en pensionnat. Sa fibre libertaire y est plus explicite que jamais et lui vaut la censure du gouvernement. Zéro de conduite sera interdit à la diffusion jusqu'en 1945.


Au-delà de ses orientations idéologiques, Zéro de conduite propose un programme bien fragile. Son entrain est poussif, sa conception semble baclée ; c'est apparemment un film 'à l'inspiration', conduit par son idéal guilleret. Le manque de fluidité et la sauvagerie du montage (violent contraste avec A propos de Nice, premier opus de Vigo) s'entretiennent, la photo de Boris Kaufman (collaborateur sur les quatre réalisations de Vigo et pour Sur les quais d'Elia Kazan) compense ces maladresses. Les moments 'gags' sont souvent totalement patraques, à cause d'un défaut de rythme et de choix techniques étranges, révélant tout le poids négatif du surréalisme et de l'anarchisme où Jean Vigo prend sa source.


Vigo pioche un peu ailleurs (le surveillant est un ersatz de Chaplin) et aligne ses idées, sans les laisser croître vraiment et encore moins mûrir. Si le film peut constituer une forme d'audace à cause du rejet de l'ordre affiché, la contestation demeure socialement éthérée. L'objectif unique consiste à placer l'amusement au-dessus du respect. La « révolution » est finalement déclarée (la petite mutinerie dans le dortoir se posant alors comme une allégorie politique) mais ses protagonistes sont insignifiants. Cet univers n'est peuplé que de caricatures ou de pantins sans relief ; l'authenticité livrée par petits bouts raccommodés y met du charme mais peu d'intelligence.


Les problèmes de sons sont amplifiés par de longs moments de latence (synchro inadéquate) avant la profération de dialogues incantatoires pauvres et un peu gênés. Taris roi de l'eau (second court, en 1931) sortait déjà du muet, sans rien garantir sur les ambitions ou les aptitudes de Vigo concernant le parlant (encore tout neuf – premier film de la sorte en 1926 : A Plantation Act). Zéro de conduite apparaît dès lors comme une transition un peu laborieuse, avant l'épanouissement relatif observable sur L'Atalante, dont les démonstrations emphatiques sont de bien plus grandes qualités. La mise en scène est cependant ponctuée par quelques initiatives (la vue originale avec le prof nabot) et de fortes intuitions esthétiques (le ralenti avec les plumes).


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/04/les-courts-moyens-de-jean-vigo/

Zogarok

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