Avant de découvrir ce "À bicyclette !" Mathias Mlekuz n'était pour moi que le désopilant Arnaud de "Nos enfants chéris" et le réalisateur d'une comédie sociale trop banale, "Mine de rien". Je suis donc rentré dans la salle pas spécialement confiant, d'autant que l'affiche semblait vouloir me vendre un truc rigolo, sympa, mais surtout un brin franchouillard à la sauce Alpe d'Huez.
1h28 plus tard je suis sorti ébranlé, déstabilisé, et ravi qu'un artiste / homme ait osé se dévoiler ainsi, se lancer dans une aventure un peu folle partagée avec son pote depuis 25 ans, Philippe Rebbot. On rit, on pleure avec ces deux êtres qui picolent, chialent, se mettent à tous les sens du terme à nu, dissertent de la vie, et beaucoup de la mort.
Celle de Youri, fils du réalisateur, qui s'est pendu en septembre 2022. Oui c'est violent à lire, et le film, docu-fiction pour le moins troublant, résonne comme une quête éperdue, comme la recherche impossible d'un apaisement pour nos deux cyclistes du dimanche qui pensaient que « la douleur enlèverait la souffrance ». Le parcours aurait pu être gênant pour nous spectateurs, mais l'impudeur y est belle, on accepte de voir Mathias Mlekuz en pleurs sur le banc d'une église ou d'entendre Philippe Rebbot, avec sa dégaine d'Harry Dean Stanton dans "Paris, Texas", confesser son alcoolisme. En parlant de Rebbot ce feel good de deuil a d'ailleurs quelque chose de "L'Amour flou", avec ces digues qui n'existent plus entre la vie privée et l'art. Vraiment pas facile de parler de ce film qui ne ressemble à aucun autre, mais je vous assure qu'à la fin je n'avais qu'une envie : prendre ces deux mecs dans mes bras et les serrer fort. Et forcément de faire une caresse à Lucky...
(Ce "petit" film pourrait bien être le succès surprise des semaines à venir avec un alignement des planètes qui prend progressivement forme : nombreux prix dans les festivals, dont trois Valois à Angoulême, tournée d'avant-premières avec des salles bondées et un public plus que surpris et bouleversé, partenariat avec France Inter qui va permettre au film d'accéder aux salles art et essai en plus des gros circuits. Résultat de tous ces facteurs, et c'est un signe qui ne trompe pas, le distributeur a sérieusement gonflé le nombre de copies première semaine par rapport à ce qui était prévu initialement. Premiers éléments de réponse le 26 février.)