Alors on en est là. Sous les années Hollande on pouvait donc déjà faire une comédie sans scénario, sans personnages, sans intrigue. Sans autre objet que de régurgiter tous les clichés les plus éculés, les plus xénophobes, les plus beaufs, sur le monde des gens du voyage qui certes nous fait parfois sourire par ses excès, mais qui est avant tout une altérité qui nous concerne puisque nous la côtoyons, ils sont lààà, dans nos villes et dans nos campaaaagnes.
Et ce truc a fait plus d'1 million d'entrées tout de même. Si le film n'avait pas été un tel détournement d'argent légal (un budget de 17 millions pour une comédie quasi intégralement filmée dans un seul décor…), il aurait en plus pu avoir le culot d'être rentable. Et soulignons-le, il était censé s'appeler Sivouplééé avant qu'un marketeux moins cocaïné que les autres ne décide de sauver les meubles.
Rappel du pitch: Clavier campe un riche intello de gauche accusé d'être un donneur de leçons, et se retrouve contraint d'héberger une famille de Roms pour ne pas perdre la face. Ca y est, j'ai tout dit, et ça dure 90mn.
Enumérer tout ce qu'il y a d'aberrant, de vil et de beauferie crasse dans ce film serait trop long -et c'est quelqu'un qui ne croît pas en la potentielle dangerosité des oeuvres qui vous le dit. Le simple fait que Ary Abittan et toute sa famille de Roms s'expriment en petit-nègre du début à la fin (en big 2017? sérieux?) devrait vous donner un aperçu du ton du film. A bras Ouverts se borne à déverser absolument tous les clichés possibles et imaginables sur les Roms, sans aucune ironie, sans jamais les twister, sans jamais s'en amuser, les détourner, les questionner, ni jamais rendre ces gens sympas ou positifs d'une quelque manière. Pas d'intrigue, pas de personnages, pas d'évolutions: Clavier et sa femme restent le même couple de bourgeois hypocrite et méprisant du début à la fin (évoquant d'avantage la morgue de BHL/Dombasle que l'intello bobo de gauche hypocrite que le film est censé pourfendre). Quand les Roms finissent par s'en retourner en Roumanie (à noter il n'y pas un seul Rom au passage: Abittan est juif pied-noir et sa fille est jouée par une maghrébine née dans le 93, mais il fallait bien quelques basanés de service) , on est tout aussi soulagé qu'eux de les voir partir. Babik, le personnage de Ary Abittan, reste le même sagouin rustre tout le long. Il est sale, édenté, puant, analphabète, patriarcal et violent, obsédé par la virginité de sa fille (un des 2 seuls trucs scénaristiques qui finit par émerger au bout de 80mn de métrage; l'autre étant le fait que Clavier se tape une élève étudiante encartée à l'Unef, c'est très fin oui). Ils sont sans-gêne, ingrats, envahissants, mangent de la taupe et du hérisson, n'interagissent entre eux qu'en s'aboyant ou en se tapant dessus, ils gagnent leur vie en chapardant et en faisant la manche dans le métro, déguisés en péruviens car "péruviens meilleure réputation". S'ils restent en France bien que n'ayant ni papiers ni permis de travail, c'est parce que "policiers taper moins fort". Etc, etc. Et je vous épargne le "running-gag" du frère débile léger incapable de parler, car oui le handicap c'est drôle sachez-le.
Si encore, A Bras Ouverts était malgré son racisme exécrable, un bon film, une comédie conservatrice mordante ébranlant les convictions et assumant son propos, on lui pardonnerait tout. Après tout, La Prisonnière du désert, Dirty Harry, Rocky, la Passion de Jeanne d'Arc, Napoléon, sont des représentants d'un conservatisme certain, Affreux Sales & Méchants n'est pas tendre avec le sous-prolétariat, et ça ne les empêche pas d'être de bons et de grands films. Les propos réactionnaires de Haneke ne lui ont jamais interdit l'accès au festival de Cannes -tandis que ceux engagés de Justine Triet lui ont valu d'être blacklistée par le gouvernement, m'enfin bref. Et j'ai en mémoire certains gags chez Buster Keaton qui sont d'un racisme qui ferait sourire de nos jours.
Las, le comique de Philippe de Chauveron, déjà responsable des Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu, ne consiste qu'en un seul trick:
> Clavier dit un truc raciste, ou Babik dit/fait un truc aberrant.
> Contre-champ sur la réaction outrée des autres personnes présentes.
> Répétez cela, à l'infini, pendant 90mn, en insistant bien sur le fait que les seules valeurs qui rassemblent tous les personnages c'est la veulerie, l'ignorance et la bêtise.
Tout cela filmé et monté platement, sans ambition, comme un épisode de feuilleton quelconque, où rien n'est mémorable, pas un plan, pas un gag, pas une lumière, pas un thème de bande-son. A ceux -rares, certes- qui défendent ce film sous prétexte qu'on n'est rien que des bien-pensants: ça en dit plus long sur vous et votre manque de goût, que sur nous.
Tout y repose platement sur un principe éculé de rencontre entre 2 milieux que tout oppose. Idée originale/20. Ca évoque fatalement les Visiteurs, à une chose près, et c'est là qu'on entre dans le dur. Dépeindre des types du 11eme siècle comme des rustres barbares, ça n'engage à rien. Barbariser le passé est un réflexe tout aussi commun que de l'idéaliser. Tout un chacun aime s'imaginer que le médiéval moyen empestait le fauve et riait grassement à table après avoir égorgé le serf qui aurait eu le malheur de renverser sa chope de bière sur son armure. Dans Kaamelott ça nous fait marrer que le roi burgonde soit un demeuré qui s'exprime en lâchant des caisses. L'historien haussera les épaules, mais après tout, ce n'est pas bien grave, il y a prescription. Mais faire la même chose avec une communauté de personnes que nous côtoyons à notre époque, et qui n'est caractérisée que par son appartenance ethnique, c'est une autre limonade.
Quant à faire croire que le film s'inscrirait dans une tradition à la Michel Simon ou à la De Funès, que le dindon de la farce serait le personnage du bourgeois antipathique bousculé dans son train-train quotidien par la gouaille d'une bande de truculents mais vivifiants personnages, alors que tout dans le film lui donne raison d'être horrifié par cette invasion barbare (à contrario par exemple du Dupontel du Grand Soir qui a toutes les raisons de péter un câble et de rejoindre le mode de vie destroy de son frère keupon), c'est malhonnête, lâche et même abject. Philippe de Chauveron peut bien se dédouaner en disant que son film n'est pas raciste, que c'est un film pour le vivre-ensemble, à ce niveau là ça devient du troll: la conclusion du film, sous le regard de l'adversaire politique de droite de Clavier et des riverains perplexes, c'est précisément qu'on ne peut pas vivre avec ces gens là. A aucun moment moi non plus je n'ai envie de vivre avec ces gens là, tout dans le métrage donne raison aux scrupules de Clavier, bien forcé d'ailleurs de marier son fils à la fille de Babik pour éviter que ce dernier ne commette un crime d'honneur (attend, quoi?).
Mieux vaut réécouter le Cabochards de 25G feat Seth Gueko, vous allez apprendre plein d'argot manouche et délirer devant un clip top moumoute certainement plus authentique que ce truc.