L'histoire du Chant de Noël de Dickens, tout le monde la connaît, est sans aucun doute le plus beau conte de Noël jamais écrit. Si bien qu'aujourd'hui encore le spectre de Scrooge plane sur chaque réveillon de Noël, chaque tablée fastueuse, chaque sapin enguirlandée et chaque réunion familiale passée au coin de la cheminée en flamme, fumante dans l'air glacial et enneigé de la nuit de Noël (quoique ça fait longtemps que je n'ai pas vu de neige à Noël). On doit à Dickens cette magie séculaire et universelle propre à cette fête (dans l'hémisphère Nord du moins). Pourtant le livre baigne dans une ambiance pamphlétaire et parfois franchement sinistre que Léo Mankiewicz (producteur du film), son scénariste Hugo Butler (qui écrira le Robinson Crusoé de Buñuel) et son réalisateur Edwin L. Marin ont décidé d'éluder afin de conserver la caution "film familial" que recherchée à tout prix la Metro-Goldwyn-Meyer Ainsi, plus de fantôme hurlant à la fenêtre de ce pauvre Ebenezer, plus de rupture avec sa fiancée au motif de sa cupidité financière et émotionnelle et plus d'orphelins crevant la dalle sur les pavés gelés de Londres.
C'est l'excellent et rarissime Lionel Barrymore, qui prêtait annuellement sa voix au vieux rapiat en quête de rédemption à la radio, qui devait initialement interpréter le rôle d'Ebenezer Scrooge. Mais ne pouvant pas supporter les douleurs lancinantes que son arthrose lui faisait endurer, il échu au britannique Reginald Owen qui, lorsqu'on s'attarde un peu sur sa filmographie, a forcément croisé notre regard de cinéphile. Il tourna en effet pour les plus grands réalisateurs de l'époque (Van Dyke, Wyler, Capra, Cukor, Thorpe, LeRoy, Curtiz, Wellman, Brown, Stevens ou encore Lubitsch) et apparu notamment dans Anna Karenina et The Conquest de Clarence Brown et surtout Mrs. Miniver de Wyler (Foley, c'est lui). Il fit plus que remplacer Barrymore puisqu'il lui donna toute la cruauté, la malveillance mais aussi la gentillesse inhérente à cet "avare qui savait saisir fortement, arracher, tordre, pressurer, gratter, ne point lâcher surtout !". On notera la présence au casting de la pétillante Ann Rutherford dans l'habit blanc de l'esprit de Noël passé.
"Dur et tranchant comme une pierre à fusil dont jamais l’acier n’a fait jaillir une étincelle généreuse, secret, renfermé en lui-même et solitaire comme une huître", il déploie finalement des sommets d'ingéniosité et de générosité pour se racheter une place parmi les hommes, parmi les vivants, au coin du feu et entouré des siens. C'est ça l'esprit de Noël. Oh-Oh-Oh!
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