Je ne le dirais jamais assez mais j’aime le cinéma qui sort des sentiers battus. J’aime découvrir le cinéma de pays un peu plus exotiques qu’à l’accoutumée. J’aime voir ce qui se fait ailleurs car je suis un curieux du cinéma et que pas grand-chose ne me fait peur. Et la plateforme de SVOD française Outbuster est parfaite pour ça puisqu’elle propose courageusement un catalogue qui sort clairement des sentiers battus, un catalogue où vont se côtoyer des films hongrois, slovènes, japonais, argentins, américains, irlandais ou même uruguayens. Alors ce n’est pour ça que ça vient « d’ailleurs » que c’est forcément bien et parfois on tombe sur des navets comme lorsqu’on se lance dans un blockbuster américain. Mais on tombe aussi parfois sur des petites pépites que personne ne connait et ce plaisir de la découverte, de la recherche de ces trésors cachés, amène ce petit truc en plus à l’aventurier du cinéma que je suis. Alors laissez moi vous parler aujourd’hui de La Muerte de un Perro, une coproduction entre l’Uruguay, l’Argentine et la France qui simplement par son ambiance soignée et pesante arrive à nous garder les yeux rivés sur l’écran.


Je ne vais pas vous mentir, La Muerte de un Perro est un film assez particulier. On va beaucoup jouer sur les silences, pesants, créant souvent le malaise, nous renvoyant immédiatement dans la tête des protagonistes qui se retrouvent rapidement dépassés par les évènements auxquels ils sont confrontés. Cette ambiance pesante est très travaillée, en particulier au niveau de l’ambiance sonore. Le travail de Sofia Scheps à ce niveau-là est à saluer et la musique y est pour beaucoup à la réussite de la mise en scène, sobre mais appliquée et surtout maligne car arrivant avec très peu à créer une atmosphère très particulière. L’image est délavée, comme pour montrer la vie morne de ce couple, mais surtout la mise en scène intelligente va sans cesse faire des parallèles. Le parallèle entre ce couple âgé, plein de préjugés soit racistes, soit de classes sociales, dont le couple est tellement rentré dans la monotonie qu’ils peinent même à communiquer, avec une maison qui semble figée dans le temps depuis 40 ans. Et de l’autre côté leur fille et son mari, bien plus modernes, bien plus ouverts, bien plus vivants, bien plus aisés également. Mais il y a aussi ces plans de plafonds avec un parallèle entre le bloc opératoire du cabinet vétérinaire et le bloc opératoire improvisé dans la chambre de la cave. Il y a également de la comédie noire dans La Muerte de un Perro, de la comédie noire sous-jacente mais pourtant bel et bien là, en particulier avec les deux personnages principaux, ou plutôt leurs réactions. On a d’un côté Mario qui est complètement dépassé par les évènements, impuissant, parfois ridicule, qui ne sait jamais comment réellement réagir. Un personnage qu’on aurait clairement pu voir dans un film des frères Coen. De l’autre, nous avons sa femme, Sylvia, très parano, fomentant des plans qui vont se retourner contre elle, au regard vide presque zombiesque lorsque la situation lui échappe. Ce ne sont pas les personnages en eux-mêmes qui amènent cet humour noir, mais certaines situations auxquelles ils vont être confrontés ou dans lesquelles ils vont être mis en scène (ce plan improbable lorsqu’elle arrose l’herbe, presque statufiée).


Mais sous ce prétexte de chien qui meurt se trouve un commentaire social bien plus appuyé qui ne quittera jamais le film. On nous fait comprendre que l’histoire se déroule dans un coin paisible dans un quartier chic, mais la pauvreté vient sans cesse sonner à leur porte. Sonner au sens premier du terme, avec cette sans abri qui vient régulièrement mendier directement à la porte. Mais aussi cette servante que notre couple de vieux (surtout la femme) voit comme une sous-femme de par son statut social, et qui du coup est forcément une voleuse (ah les préjugés…). Cela vire même quelque part au racisme compte tenu de l’origine de la femme de ménage, bien plus typée amérindienne que cette famille qui l’emploie. Même cette maison truffée de caméras et protégée de fils électriques est le reflet d’une classe sociale qui tient malgré tout à tenir éloignée cette pauvreté. Lorsque ce jeune homme meurt, et bien que le film ne l’explicite pas clairement, on nous fait bien comprendre qu’ils ne seront pas inquiétés parce qu’on se fiche un peu de ces sans-dents. Et est-ce que le titre, La Muerte de un Perro, ne ferait pas référence à la fois au décès du chien du début, et à ce jeune homme de basse classe qui est considéré par les classes supérieures comme un chien ? C’est fort possible. Mais tout n’est pas parfait dans ce petit film uruguayen et il est clair que, bien que les éléments du thriller et de la comédie gore soient là, ils ne pas toujours utilisés comme il le faudrait. Est-ce à cause d’une limitation de budget (pour les effets gores) ou une envie du réalisateur de simplement se détourner de ces codes (pour les éléments du thriller), difficile de savoir. Mais une chose est sure, c’est que l’ensemble est un peu trop timide, un peu trop timoré, et on aurait aimé que le réalisateur prenne un peu plus de risques, soit en allant plus loin dans son commentaire (politico-)social, soit sur la violence, soit sur l’humour noir qui aurait pu être encore plus poussé.


La Muerte de un Perro est un film assez particulier, qui a sa propre atmosphère, son propre rythme. Mais si vous rentrez dans son ambiance, vous passerez un très bon moment devant un mélange original de drame, de thriller paranoïaque et de comédie noire.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-la-muerte-de-un-perro-de-matias-ganz-2019/

cherycok
7
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le 22 août 2024

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