Pour ma part, je les ai découverts vraiment en 1989 aux Etats-Unis, quand une copine norvégienne avait eu la bonne idée d'apporter la cassette de Scoundrel Days à une soirée internationale dont ça a été la seule bande-son. Une rencontre inoubliable et le début d'une fidélité musicale qui a duré jusqu'à Minor Earth, major sky. Après, j'ai perdu le fil des productions du groupe, mais ai élevé l'album solo de Morten Harket Wild Seed au pinacle des réussites pop du siècle dernier. Je n'ai jamais vraiment cessé de l'écouter même si les quelques chansons retrouvées sur Internet au fil des années 2000 ne m'ont jamais donné envie de continuer l'aventure avec les 3 norvégiens au brushing d'anthologie. Il faut dire, et ce documentaire permet de combler les vides, qu'ils ont parfois honteusement misé sur leur plastique au lieu de capitaliser sur leurs talents musicaux, et ça, ça déplaisait à la dame patronnesse que j'étais déjà. Les nombreuses interviews qui jalonnent ce film leur donnent l'occasion de revenir sur ces errements juvéniles mais aussi sur les différentes crises internes qui ont conduit le groupe à des séparations et à des retrouvailles régulières. La compagne de l'un d'entre eux fait le constat, auquel il est facile de souscrire, que ces trois gars auraient bien besoin de thérapies personnelles mais aussi de groupe... Il faut dire qu'il semble plus facile de faire preuve de cohésion et de solidarité quand on meurt de faim à Londres que quand des milliers de groupies hurlent votre nom en cadence. Ça peut sembler étrange, mais les cas sont désormais suffisamment nombreux pour qu'on puisse l'énoncer sous forme de loi universelle : le succès, ça vous bousille le monde. Mais bon, ils sont nombreux encore, ceux qui se démènent consciencieusement pour se retrouver à l'endroit qui va méthodiquement les démolir, aveuglés par les scintillements trompeurs de la gloire planétaire. Quand on y pense, c'est le mirage le plus crétin qui soit, mais, comme beaucoup d'inepties finies, ça marche à tous les coups. Peut-être qu'on ne nous avertit pas assez. Du coup, voilà un documentaire qui pourrait remettre les pendules à l'heure, et le spectacle de la souffrance intime, mal dissimulée, de ces trois garçons comme les autres, dotés chacun d'une aptitude hors du commun, devrait émouvoir suffisamment les parents pour qu'ils gardent bien leurs rejetons de partir tenter l'aventure du succès dans les grandes villes... au cas où la fortune finirait par leur sourire. Curieusement, elle ne semble avoir que ça pour elle, son sourire, parce qu'après, il faut passer à la caisse et là, ça fait visiblement mal aux dents. N'empêche, en attendant, il nous reste des albums magnifiques à réécouter et une certaine gratitude pour les artistes qui se crament copieusement à nous fournir notre dose quotidienne de réconfort auditif ou visuel. Merci donc, Morten, Pal et Magne, et bonne chance pour recoller les morceaux ! C'est quand même douloureux de voir à quel prix se paie parfois le plaisir de la création, on dirait que ces stars mondiales sont des rescapés de drogues dures qui les laissent complètement vidés.