Herman Yau (The Untold Story, Ebola Syndrom, Shock Wave) est un véritable touche à tout. Il œuvre sans discontinuer dans tous les genres et, malgré quelques faux-pas, c’est sans doute le réalisateur HK, encore en activité, le plus intéressant dans l’ex-colonie britannique. Sorti pour le nouvel an chinois 2019, A Home with a View est une de ses rares incursion dans le domaine de la comédie et il livre ici un mix d’humour noir et de satire sociale, alignant pour l’occasion un casting de premier ordre. Un divertissement au final décalé, assez particulier, qui pourra en laisser certains, comme moi, sur le bas-côté. Non pas que le film soit mauvais, mais le brouhaha ambiant et le chaos palpable qui règnent pourraient être un véritable frein pour rentrer dans l’histoire.
A Home with a View est une adaptation de la pièce de théâtre Family Surprise écrite par Cheung Tat-Ming (Big Bullet, Forbidden City Cop) qui est également producteur et scénariste du film. Il y interprète d’ailleurs également un rôle, Francis Ng l’ayant persuadé de jouer dans cette adaptation. Wai Man (Francis Ng) et Suk-yin (Anita Yuen) poussent comme ils le peuvent leur famille à faire des économies. Leurs enfants Bun-Song (Ng Siu-Hin) et Yu-Sze (Jocelyn Choi) passent leur temps à se chamailler, le grand père (Cheung Tat-Ming) commence à perdre la boule, et les voisins sont une plaie. Mais lorsque la tension monte un peu trop dans l’appartement, ce qui arrive souvent, tous se réfugient à leur fenêtre afin d’admirer la vue sur le port qui semble avoir un pouvoir apaisant sur eux. Mais très vite, cette belle vue est bloquée lorsqu’un voisin de l’immeuble d’en face installe un énorme panneau publicitaire sur son toit. Notre petite famille va se plaindre mais le mystérieux propriétaire (Louis Koo) n’est pas d’humeur à coopérer. Le voisinage ne voulant rien savoir et les autorités faisant preuve d’un réel immobilisme, Wai Man et sa famille vont tout mettre en œuvre pour faire dégager ce panneau publicitaire et enfin retrouver leur vue, quitte à prendre des mesures désespérées.
Comme dit en introduction, A Home with a View nous présente un casting de premier ordre. Il y a bien entendu l’indécrottable Francis Ng (A War Named Desire, Bullets Over Summer), toujours aussi excellent, l’omniprésent Louis Koo (The Suspect, Drug War), qui apparaitra dans pas moins de 16 films en 2021, la trop rare Anita Yuen (Enter the Eagles, Ip Man : The Final Fight) ou encore Cheung Tat-Ming, excellent en grand père sénile. Mais le film va aussi beaucoup s’appuyer sur ses excellents seconds rôles. On a le voisin du dessus un peu trop bruyant, interprété par un génial Lam Suet (PTU, Crazy Kung fu), l’éternel second rôle Wu Fung qui campe le gardien de l’immeuble, ou encore l’innimitable Anthony Wong (Untold Story, Ebola Syndrom), acteur fétiche du réalisateur, qui vient faire le couillon dans le rôle d’un fonctionnaire pas très utile.
Herman Yau va dépeindre avec son film les travers de la vie à Hong Kong, ses loyers excessifs, ses gens entassés dans des cages à poules aux prix mirobolants, l’administration qui est telle que les gens se l’imaginent, c’est-à-dire d’une complexité à toute épreuve lorsqu’on a besoin d’y faire des démarches. Mais l’éducation en prend également pour son grade, tout comme le système de prise en charge des personnes âgées. Il veut montrer toute l’absurdité de la situation actuelle, cette inefficacité des fonctionnaires et les différents obstacles bureaucratiques frustrants, mais tout en gardant une ambiance divertissante, voire loufoque, afin que l’ensemble ne soit pas trop lourd en termes de drame. Une grande partie du film est tournée dans l’appartement de notre petite famille, afin de garder cette saveur d’une pièce de théâtre, mais tout en jouant beaucoup avec la caméra afin de bien montrer le côté claustrophobe de ce genre d’appartement, mais aussi d’amener du dynamisme. On va donc assister à de longues prises de bavardage frénétique. Ça parle fort, ça gesticule beaucoup, ça cabotine et les dialogues vont dans tous les sens au point que toute la première moitié du film devient assez fatigante. Cette valse de dialogues a beau donner le ton sur les choses à venir dans le film, elle devient surtout assez éreintante si on n’arrive pas à se laisser emporter là où le réalisateur veut nous amener. Pour peu que votre « mood » du moment vous laisse hermétique à l’humour parfois assez gras du film, et vous vous retrouverez comme moi devant une bobine qui certes n’ennuie pas, mais devant laquelle vous restez un peu de marbre. J’ai très vite constaté que le casting livrait de brillantes performances, que la mise en scène de Herman Yau était réussie, que l’humour cruel était souvent bien amené. Mais cette première partie un peu trop chaotique aura eu raison de moi.
D’un côté farceur, même gras, d’un autre triste et cruel, A Home with a View est un pur produit de Herman Yau. Si la première partie un peu trop bruyante n’a pas raison de vous, il y a fort à parier que vous passerez un très bon moment. Sinon, le film risque de vous laisser indifférent.
Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com