L'art d'être enfermé

Willem Dafoe est un grand acteur, sa performance dans ce film est magistrale. Elle mériterait presque un Oscar selon moi.

Lorsqu'il pénètre dans ce grand appartement new-yorkais plutôt high-tech, assez luxueux, c'est pour dérober tous ces tableaux inestimables. Un voleur d'art professionnel, qui se déplace rapidement et habilement, quand soudain lors de sa fuite, tout le système d'alarme s'active, verrouillant automatiquement chaque sortie. Piégé comme un rat, sans eau, ni téléphone, avec très peu de nourriture pour survivre. Une température bientôt irrespirable, seul, observant le monde et le temps qui passe à travers de grandes baies vitrées, et ces caméras de surveillances.
Son île déserte au milieu de sa passion, toutes ces œuvres d'art qui lui appartiennent à jamais, dans cette jolie cage dorée, mettront à l'épreuve ses convictions ainsi que ses limites.

Vasilis katsoupis réussit un film audacieux et difficile, À l'intérieur se base sur l'homme hanté, désespéré de s'échapper, sans aucun monologue explicatif de ses pensées.
La grande force motrice du scénario se porte sur ce drôle de chasseur de baleines, Nemo ( Willem Dafoe ), qui s'est échoué un jour en ce lieu insolite, cherchant son chemin, sa liberté.
Il vogue de peinture moderne en sculpture hors de prix, qui ne représente plus rien, qui ne sont plus que colères, anxiétés, paniques, humours et résignations.
Des sentiments qu'il traverse, et qui se lisent sur chacun des traits de son visage, de son corps, de tous ces mouvements, ainsi que de son psychisme.

Un lieu, mais aussi cette caméra du réalisateur qui ne cesse de proposer des mouvements fluides, jamais rigides, avec des plans offrant toutes sortes d'émotions et de couleurs. Une photographie d'image, et de nature morte, aux côtés de Nemo, avec parfois même une impression de genre de film d'horreur.

À l'intérieur est un thrilleur de survie psychologique angoissant qui fonctionne essentiellement grâce à la maîtrise intelligente d'interprétation de Willem Dafoe, qui permet de nombreuses lectures et réflexions sur une allégorie de l'artiste seul dans son travail, rejeté pour vivre. Cette privation sans précédent de nos libertés, un isolement stérile et terrifiant, qui peut également être vu comme une satire contre nature du capitalisme, où tout ce luxe et cet art tellement inutiles. Lorsque la seule nourriture qu'il désire, le laisse déjà un peu amer, ces murs, son âme, le rendent cruel, des chefs-d'œuvre qui l'enchaînent à jamais dans ce paradis illusoire.

Face à ce désespoir silencieux, Nemo ne ressent plus que son intérieur vide et explosif, qui a besoin de se libérer, de s'exprimer en créant à son tour ses propres œuvres d'art, de manière impulsive, à moitié folle. Il sculpte aussi avec détresse, toujours le ventre vide, le quotidien des grands artistes afin de ne pas sombrer dans la folie, pouvoir se sentir exister, rêver de s'envoler.