La robinsonnade - appellation évidemment dérivée du livre mythique de Daniel Defoe - est un sous-genre du récit d’aventure où un protagoniste, isolé de sa civilisation, se voit contraint d’apprendre à survivre dans un milieu hostile - souvent une île, donc. Fable d’apprentissage où se mêlent habilement la mélancolie de la solitude et l’ingéniosité d’une survie au jour le jour, les robinsonnades ont toujours fasciné la littérature et le septième art, jusqu’à prendre des formes inattendues. Sa Majesté des mouches de Peter Brook s’intéressait par exemple à un groupe d'enfants naufragés tandis que Seul sur Mars de Ridley Scott déclinait intelligemment l’intrigue-type sous l’angle de la science-fiction. Projet encore plus singulier, Inside rajoute une couche d’absurde au genre : piégé après un cambriolage qui a mal tourné, le personnage interprété par Willem Dafoe doit apprendre à survivre…dans un musée d’art moderne, au cinquantième étage d’un building new-yorkais !



Le concept est prometteur, d’autant que les images de Vasilis Katsoupis possèdent un certain pouvoir de fascination. Pour son premier long-métrage, le réalisateur grec élabore sa mise en scène sur les contrastes : d’un côté, il y a évidemment ce décor glacé, géométrique, dont la photographie travaillée renforce l’aspect minérale et anxiogène ; de l’autre, il y a le corps de Willem Dafoe, un corps malmené, amaigri, transpirant, qui déborde d’une pulsion de liberté par tous ses pores. Tout le charme d’Inside se cristallise dans cette déchéance paradoxale, ce retour à l’état sauvage improbable d’un homme confiné au cœur d’une métropole. On pense parfois aux fables cruelles et urbaines du romancier J. G. Ballard, telles que L’Île de Béton ou I.G.H.



Malheureusement, après une première demi-heure qui met en place des motifs excitants, l’évidence s’impose : Inside manque d’idées. Coincée entre des scènes de survie sans grands enjeux et un frisson existentiel réduit à quelques saillies oniriques, l’expérience promise par le long-métrage s’avère bien décevante. Malgré tous les efforts du cinéaste pour retranscrire les tourments physiques du personnage, le spectateur se retrouve rapidement extérieur au film, qui répète trop souvent les mêmes effets pour créer une véritable immersion. Ce ne sont hélas pas les métaphores grossières - le pigeon, piégé comme le protagoniste, très explicite - qui vont ajouter de la profondeur ou de l’intérêt au récit. Trop poseur pour être un bon film de survie, pas assez radical pour tutoyer un vertige métaphysique, Inside souffre de cet entre-deux qui l’empêche d’être davantage qu’un objet intrigant et élégamment fabriqué.


Julien Del Percio.


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Surimpressions
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le 5 avr. 2023

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