Fresque en 3 parties, A L'Ouest des Rails permet à Wáng Bīng de nous emmener tout droit dans le centre industriel de Tie Xie, dans un quartier de Shenyang, au nord-est de la Chine, initialement construit durant l'occupation japonaise.
C'est une cité industrielle qui vit ses dernières heures, immense, ayant employé jusqu'à 1 million de personne, elle est, lorsque le réalisateur la filme, sur la fin. Wáng Bīng s'attarde sur des humains, qui savent que c'est la fin, mais qui reste, qui continue de vivre et bosser dans des infrastructures archaïques, qui restent soudés et font face à certains manques, ainsi qu'à un climat parfois rude. Ils donnent l'impression (et pas que) d'être des laissés pour compte d'un système qui va vite évoluer et passer à autre chose.
Wáng Bīng les filme pendant 3 ans (de 1999 à 2001), pour un documentaire de 9 heures. C'est fascinant, les images se succèdent, alternant entre la population parlant à la caméra et des scènes de vies. Ils s'intéressent à de nombreux travailleurs, laisse les bruits du complexes en fond et la fluidité de ses mouvements de caméra permet de nous faire ressentir l'agonie de cette cité. Malgré l'agonie, il y a un aspect fataliste dans la situation, des ouvriers qui savent ce qui les attends, sans pour autant bouger, ne sachant où aller, occasionnant quelques moments vraiment saisissants.
Les trois parties fonctionnent bien, la première (Rouille) s'attarde sur la vie au sein même des usines et la façon dont les travailleurs errent au entre le métal, les produits dangereux et l'impression d'être abandonné. Dans la seconde (Vestiges), c'est plutôt la vie autour de l'usine, les habitations, les familles, comment ils vivent, et surtout comment ils appréhendent l'avenir. La troisième (Rails) porte bien son nom, il reste au bord du train qui traverse les cités, à la rencontre de ceux qui le prennent ou qu'il va croiser.
Il offre un panorama de beaucoup de choses, à la fois la jeunesse de la cité, celle qui a le plus à s'inquiéter de l'avenir et ceux qui sont les depuis longtemps, qui ont parfois connus l'époque où ça tournait à plein régime. Wáng Bīng n'est jamais dans le jugement, plutôt dans le témoignage, d'une époque et d'un pays qui bougent, sans oublier de sublimer plusieurs moments, sachant user de plans-séquence, par exemple, lorsqu'il le faut, et offrant tout un panel d'images mémorables, à l'image du train s'éloignant dans la nuit.
Avec A L'Ouest des Rails, Wáng Bīng propre une œuvre forte, sur une cité industrielle en agonie dans un pays en proie à de profond changement et une évolution qui n'hésitera pas à en laisser beaucoup sur le carreaux, et il offre des portraits et images saisissants, terriblement humains, avec une forte et dure portée sociale.
Merci El Grande OG