Visuellement magnifique mais d'une platitude exaspérante
Après les succès qu’avaient été Harry Potter et Le Monde de Narnia, il était évident que les producteurs n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin, la littérature possédant encore tout un panel d’histoire à connotation heroic fantasy ou fantastique à exploiter pour le bonheur des petits et des grands. En 2007, ce fut au tour de la trilogie imaginée par Philip Pullman, À la Croisée des Mondes, de se voir adaptée sur grand écran. Malheureusement, cette saga n’ira jamais au-delà du premier opus, la faute à un score au box-office discutable (70 millions de dollars sur le sol américain pour un budget colossal de 190 millions). Qu’est-ce qui a bien pu faire fuir les spectateurs ? Donner naissance à de mauvaises critiques ? C’est ce que nous allons voir !
En regardant les diverses photos et bandes-annonces du film, on peut encore se le demander, tant le visuel du film se montre amplement à la hauteur de ses moyens. Autant le dire de suite : la société d’effets spéciaux Digital Domain (Apollo 13, Armageddon, Le Cinquième Élément, Titanic…) a fait de l’excellent boulot pour représenter en chair et en os des animaux parlant en tout point crédibles (particulièrement l’ours Iorek et le dæmon Pantalaimon). Pour dresser des paysages et autres décors de toute beauté. Bref, l’univers imaginaire de Philip Pullman prend vie sous nos yeux de manières très convaincantes, agréable pour la rétine qui plus est ! Et c’était sans compter sur la conception des accessoires, costumes et décors construits en plateaux, ainsi que sur la sublime composition d’Alexandre Desplat. Tout, je dis bien tout, dans ce film pouvait déjà toucher le succès du bout de ses doigts rien qu’avec son aspect technique.
Pourtant, tout va se vautrer à cause d’une seule personne : Chris Weitz, réalisateur et scénariste de cette adaptation. Pour vous donner une idée de qui est cet homme, il s’agit du cinéaste responsable du premier American Pie et du futur Twilight – Chapitre 2 : Tentation. Comment pouvons-nous imaginer une seule seconde qu’un tel bonhomme puisse avoir assez de savoir-faire pour s’occuper d’une telle œuvre ? Une question qui ne restera pas sans réponse à la vue de ce long-métrage, qui ne méritait clairement pas cela.
Le premier aspect à en souffrir est le scénario. La trilogie d’À la Croisée des Mondes est une franchise certes destinée à un jeune public, mais les adultes pouvaient également y trouver leur compte, les livres abordant bon nombre de critiques sur la société et la religion. Dans le film, il n’y a rien de tout cela. Juste l’histoire d’une gamine qui part à l’aventure, point ! Une adaptation qui vulgarise tellement le modèle de base dans ses thématiques qu’elle parasite également le traitement des personnages, aussi bien principaux que secondaires. Aucun d’entre eux n’a d’histoire à raconter, d’émotion à faire partager… Tous ne sont que les figurants d’une trame qui, alors, perd énormément en intérêt (et qui donne souvent l’impression de passer du coq à l’âne), ces derniers ne faisant qu’apparaître et disparaître de l’écran comme bon leur semble. Même le charisme des interprètes (Daniel Craig, Nicole Kidman, Eva Green, Sam Elliott…) et la fougue de l’héroïne (jouée par Dakota Blue Richards) ne suffisent pas à capter l’intention du spectateur. Avec des protagonistes inexistants et une histoire vide, comment est-il possible de se plonger pleinement dans cet univers ?
La mise en scène en prend également un sacré coup, Chris Weitz n’en ayant tout simplement pas à nous proposer. Le réalisateur ne fait que filmer platement ses acteurs et ses séquences, sans y instaurer la quelconque ambiance, la moindre étincelle qui aurait pu faire monter la pression ne serait-ce que quelques secondes. Le Monde de Narnia avait de la niaiserie à revendre, néanmoins, l’ensemble avait du panache et certains moments spectaculaires qui permettaient de ne pas s’ennuyer. À la Croisée des Mondes : la Boussole d’Or, c’est pareil, sans l’énergie. Même pas de quoi permettre la musique d’Alexandre Desplat de s’envoler comme il se doit et de procurer aux spectateurs un minimum de poésie, de magie. Rien ! Nous avoir vendu autant de belles images et ne finalement ne rien ressentir de palpable, la déception ne peut être qu’au rendez-vous.
Après, je n’irai pas jusqu’à dire que ce film ne méritait pas une suite, malgré ses défauts de bien trop grosses envergures. Même si Chris Weitz restait à son poste de réalisateur, avoir Hossein Amini au scénario (Drive, Blanche-Neige et le Chasseur…) aurait pu corriger les reproches faits à ce premier opus. Seulement, la faible qualité de cette Boussole d’Or et son budget pharaonique auront eu raison de ce film, qui restera comme le seul opus d’une saga cinématographique très vite avortée, à l’instar de Green Lantern en 2011. Et quelque part, c’est fort dommage, étant donné le potentiel de la trilogie littéraire…