Ode à la vie ou à l’ennui ? En l’occurrence dans "À la Merveille" la frontière est mince, Terrence Malick dans la foulée de son "Tree of Life" propose une sorte de spin-off, répétant les schémas continuels d’un existentialisme ici plus confiné et intimiste tout en gardant une certaine liberté d’espace, mais c’est malheureusement cette sensation de redondance qui déborde et qui fait tâche tout le long du film.
La force (ou la faiblesse) de Malick c’est bien son opiniâtreté, narrant à coup de voix off cette sensibilité, de la complexité des sentiments humains, du rapport à la nature, métissant ses propos à l’image, d’une pureté quasi indiscutable, le rendu se veut donc avant tout sensitif envers son spectateur, une proposition au voyage, je pense que chacun y est réceptif à sa manière, une question se pose : Malick arrive t-il a nous sortir de nous ? Ma réponse : Non, ou du moins trop peu. Le problème c’est que le réalisateur est beaucoup trop démonstratif par rapport à ce qu’il veut transmettre, on le voit arriver avec des sabots énormes, déjà fragile dans "The Tree of Life" ici le cadre émotionnel fonctionne encore moins, la carte de l’intimiste par rapport à la grandiosité que pouvait avoir son prédécesseur en fait une oeuvre recentrée sur elle même sans véritable message.
On y voit un couple qui s’aime, qui s’éloigne, qui se déchire, les caméras se braquent, fléchissent, se relèvent, la narration de Olga Kurylenko devient à un moment insupportable, l’introspection de son personnage ne peut à mon sens pas fonctionner sur nous, on n’a pas envie qu’elle nous parle mais plutôt qu’elle s’explique avec Ben Affleck, tout simplement, ou alors si on veut instaurer un mutisme dans un couple en proie au doute et bien on rend le passage totalement silencieux, ce qui lui donnerait bien plus de force à mon sens. Mais non il faut toujours que des palabres allégoriques et spirituelles soient balancées pour faire genre "je suis humain, je suis complexe, mes rapports aux autres et à mon environnement me ronge etc … ".
Ça tourne en rond, on ne sais pas où on va, enfin si on le sait mais les longueurs sont injustifiées, l’ennui est inexorable, le pseudo parcours initiatique de cette femme (bien qu’elle soit interprétée par une des actrices les plus belles d’Hollywood) m’a laissé indifférent, reste encore et toujours cette photographie quasi parfaite qui cache la forêt du vide, le personnage de Bardem représentant la quête de la grâce semble presque inutile, tout comme celui de Rachel McAdams pour l’infidélité, ils passent par là sans trouver leur véritable place dans le récit, en quelque sorte au service de son symbolisme abscons.
La réalisation quant à elle garde sa propre identité, c’est la patte Malick, on y adhère ou pas, personnellement je reste partagé, à trop vouloir glorifier la beauté de la nature par ses contres plongés de rayons de soleil ou ses travellings dans les champs cutés un peu anarchiquement ça me parait parfois grossièrement démonstratif dans le sens où il veut sur-filmer cette grâce ultime, c’est complètement louable par rapport à son style et ce qu’il entend transmettre mais privilégier autant la forme parait de temps à autres au détriment de ce qui est essentiel, pourtant l’utilisation des focales sont très souvent intéressantes dans son cinéma et c’est d’ailleurs ce que je préfère chez lui.
"À la Merveille" est une ode à la beauté avec ses reliefs visuels mais également et fort malheureusement une ode à l’ennui qui ne propose qu’un point de vue renfermé sur lui même malgré ses intentions, narrant son histoire par bribes de formules, d’un symbolisme existentialiste trop poussif nous forçant à adhérer à un univers entourée d’une (belle) coquille bien trop vide. L’arbre de la vie a donc laissé virevolter ses feuilles mortes jusqu’à notre porte dont on s’empressera de balayer en attendant si les fruits malikiens pousseront un jour sous un ciel plus florissant.