Après Andrew Stanton, c’est un autre réalisateur des studios Pixar qui se retrouve frappé par la malédiction « John Carter » (pour des raisons de politique interne chez Disney). En effet, malgré un palmarès plus qu’honorable dans le milieu de l’animation (Le Géant de Fer, Les Indestructibles, Ratatouille) et les films live (Mission : Impossible – Protocole Fantôme), Brad Bird doit faire face au sort réservé à son nouveau long-métrage intitulé À la poursuite de demain (Tomorrowland en VO) : l’indifférence traduit en énorme échec commercial. Promotion inexistante, peu d’informations sur le film et ce jusqu’à sa sortie… rien qui n’ait pu attirer convenablement la curiosité des spectateurs, ne sachant pas de quoi il est question. Et pourtant, c’est encore un bon film qui se retrouve saccagé car n’entrant pas dans le moule des blockbusters actuels qui donnent des dollars dans les yeux des producteurs hollywoodiens.
Pourtant, les bandes-annonces n’avaient pas grand-chose à nous mettre sous la dent si ce n’est l’énième quête d’une ado qui se retrouve malgré elle prise dans une aventure qui la dépasse totalement. Bref, un teen movie tout ce qu’il y a de plus basique, qui s’offrait le luxe d’avoir George Clooney et Hugh Laurie en comédiens principaux, ainsi que Disney comme société de production. Rien de plus ! Mais encore une fois, Tomorrowland a été plus que mal vendu : malgré quelques clichés inhérents au genre et une naïveté assez prononcée, le long-métrage de Brad Bird n’a rien d’une coquille vide. Au contraire, il s’agit d’une œuvre hautement personnelle de la part du réalisateur, qui passe par la voie du blockbuster pour délivrer un message critique envers le Hollywood actuel. Celui où les studios préfèrent miser sur les suites, remakes, reboots et films de super-héros à gogo afin de renflouer les caisses, ces derniers se montrant bien plus lucratifs qu’un projet original (les chiffres du box-office parlent d’eux-mêmes). En clair, mettre au placard les changements et autres innovations et continuer d’user jusqu’à la corde les succès qui ont fait leurs preuves (ou leur temps, selon les avis).
Une fois cette vision de la culture populaire en tête, le scénario de Tomorrowland vous paraîtra donc bien plus complexe que n’importe quel blockbuster lambda ! À chaque seconde du film, Brad Bird, autoproclamé rêveur et artiste cinématographique (et il a bien raison !), clame haut et fort que les producteurs doivent mettre de côté les anciennetés (symbolisées dans le long-métrage par une boutique rétro) qui risquent de causer la perte d’un art (un souverain qui s’évertue à ne rien changer alors qu’il pourrait éviter la fin du monde) et faire confiance à des réalisateurs tel que lui pour perpétuer ce don que nous appelons créativité (ce plan final, où des gens talentueux sont choisis pour vivre à la ville de Demain, métaphore de l’avenir) afin d’émerveiller le spectateur (de nombreuses répliques du film sont d’ailleurs explicites à ce sujet ainsi que cette fameuse naïveté assumée). Voilà ce qu’est Tomorrowland : un cri d’alarme d’un homme qui a refusé la réalisation d’un Star Wars afin de ne pas perdre son talent et de s’en servir pour les autres.
Et cela, vous l’avez sous la forme d’un divertissement rondement mené, qui sait allier personnages travaillés et bien interprétés, histoire prenante et touchante, scènes d’action rondement menées, de l’humour qui fait mouche, des effets spéciaux réussis… tout ce qui fait un blockbuster alléchant que l’on a envie de revoir par la suite ! Après, il est vrai que l’entreprise de Brad Bird n’est pas parfaite sur le plan narratif, étant donné que le film s’offre deux introductions rendant le démarrage assez long ainsi qu’un final bouclé en un rien de temps (avec une menace sortie de nulle part). Mais encore une fois, faite ce que vous dit le personnage de Clooney : prenez le temps de vous poser et de vous émerveiller devant ce que vous avez devant les yeux, pour une fois ! Vous qui critiquez sans cesse le manque de créativité de Hollywood alors que vous êtes les premiers à aller voir Jurassic World et consorts (ne vous inquiétez pas, je fais partie de ces gens-là).
Mais au final, Tomorrowland se retrouve victime de son propos : être original n’attire pas spécialement le public et terrifie les producteurs qui ne misent pas sur le film en question. Une situation paradoxale dans laquelle se retrouve le long-métrage qui va coûter cher à Disney, qui préfère maintenant s’éterniser à adapter ses dessins animés plutôt que de continuer à sortir des John Carter ou des Tomorrowland. Ni même à continuer des franchises prometteuses parce qu’elles ne se sont pas montrées suffisamment lucratives (l’annulation récente de Tron 3) et prendre les plus commerciales (Pirates des Caraïbes 5 étant en tournage, Alice au Pays des Merveilles 2 en production) afin de gagner toujours plus d’argent. Un coup fatal qui peut néanmoins être corrigé par vous, spectateurs, qui pouvez vous attarder sur le film de Brad Bird et ainsi donner plus de chances aux futurs projets de cet acabit. Et là, peut-être, les producteurs arrêteront de sortir des Independence Day 2 et autres Terminator 5… ces films que vous pointez du doigt dès leur annonce mais qui marchent toujours autant si ce n’est plus, question de « nostalgie ».