" Rien ne s'oppose à la nuit "
Ce court métrage russe (découvert aux Carmes à l'occasion du Week-end russe) a toutes les potentialités d'un film à ambiance, mis à hauteur d'enfant (à hauteur de chien aussi), ce court métrage de fin d'études a aussi toutes les potentialités d'un grand film.
Souvent présenté sous l'égide des fameux plans fixes qui construisent les scènes comme un tableau, le court pose d'emblée une question : que ferions-nous si nous avions l'impression que nos proches pourraient ne jamais revenir alors que l'on a souhaité leur mort quelques heures plus tôt dans un accès de colère ?
Et c'est bien la question que se pose la petite file de ce film, à travers les yeux de laquelle le court métrage fini par porter son point de vu. La petite fille qui se fait attendre pendant tout le début du film, sa chaise étant vide, elle finit par rentrer des chiots dans les bras (eux aussi à la recherche de leur mère, ou plutôt le contraire). La petite est un peu colérique et vagabonde mais aussi maladroite alors sa mère la met au coin et là, elle répète, pour elle-même, qu'elle espère que sa mère meurt.
Elle boude encore un moment et alors que ses parents sont partis dans la nuit pour pêcher, la petite restée chez elle commence sérieusement à se demander si elle n'a pas fait une erreur alors elle attend ses parents toute une nuit, part même à leur recherche et supplie dieu de la pardonner, acceptant même de devenir un petit ange de gamine si il accepte sa requête...
La nuit est propice à toutes les angoisses et la prise de conscience sur l'importance de ses proches par la petite fille attendrissante est traitée entre comique (ou plutot douceur qui fait sourire) et angoisse. Une autre "personne" retrouvera sa famille ce jour là, débutant et clôturant ce court métrage.
Les plans de la maison, comme en huis clos, souvent en plans fixes donc avec quelques zooms par instant et une insistance sur la salle à manger et la chambre des enfants sont entrecoupés de plans de l'extérieur (façon de voir l'espace assez miéséreux dans lequel vit la famille), l'eau domine (comme une angoisse, un bouillonement irrépressible où l'on peut chuter à tout moment).
L'extérieur est donc esapce de liberté mais aussi de peur (la nuit, la lampe qui échappe des mains, le risque de chuter dans l'eau).
Ce court métrage développe une histoire très anodine en apparence mais filmée et traitée avec intelligence, le scénario est efficace et l'histoire prenante.
L'esthétique est très intéressante également, l'angoisse de la petite fille nous envahi et ce temps de la nuit est magnifique.
Un vrai beau court métrage à la poursuite d'une mère qu'on rejettait pour la petite fille et, pour nous spectateurs, à la poursuite de ce jeune cinéma russe très prometteur et peu connu malheureusement bref à la poursuite d'un talent qui semble devoir encore se mettre à l'épreuve...
Un vrai beau moment suspendu, tout comme la petite est suspendue à la pendule, symbole de ce temps qui l'éloigne un peu plus de ses parents et qui la rapproche de ses angoisses, tout comme il nous fait approcher de la grâce, celle de ces images simples mais efficaces d'un cinéma qui attendri et fait rêver à la fois ... Une très belle surprise/découverte.