Ils dépensent leur salaire pour voir des fesses à l'air

Lorsqu'on lance un film sur des travailleuses du sexe, il y a tout un tas de lieux communs auxquels on peut s'attendre. Ceux-ci ne rendent pas le film mauvais, mais disons qu'on s'attend à ce qu'on nous raconte tourne mal assez rapidement.

Lucie Borteleau prend le contrepied d'un film comme Pleasure de Ninja Thyberg où l'industrie du porno broyait littéralement sa protagoniste puisqu'ici on s'attarde sur une débutante dans un club de strip-tease pour qui tout se passe plutôt bien.

Pour être plus précis, le parti pris de la cinéaste est de faire en sorte que cette "aventure" soit toujours glamour du début à la fin du film. Il y a du danger, il y aura des problèmes, mais tout ça sera vite éclipsé au profit d'un esprit de sororité et d'une belle relation qui va se mettre en place.

Ainsi, cela rend énormément d'interactions dans ce film peu naturelles malgré le talent des actrices et des acteurs. Tout parait trop facile. Le personnage principal, Manon, va faire son premier numéro après une formation express et sans trop de problème à part un manque de grâce sur quelques mouvements. Mais honnêtement, sans avoir jamais mis les pieds dans un club de strip-tease, je suis persuadé que personne ne s'en sort aussi bien la première fois. Elle n'est jamais inquiète pour la perception qu'on va se faire de son corps, elle peut manger un kebab tranquillement, elle est déjà épilée comme toutes ses collègues dès qu'elle arrive, les numéros sont à peine répétés mais parfaitement exécutés, les mecs dans la rue sont lourds avec ces femmes mais se contenteront d'une agression verbale... Tout ça me parait un peu gros et je pense que ça a dû soûler pas mal de spectateurs. On ne s'attarde pas trop de son rapport à l'argent et les réactions de son entourage, dans le milieu il y a des gros porcs mais ils ne sont pas si méchants et on peut bifurquer vers la prostitution sans s'attirer de problèmes. Ça parait hallucinant, on pourrait se dire que la réalisatrice passe totalement à côté de son sujet et pourtant... On comprend au bout d'un quart d'heure que ce n'est pas ça qu'elle veut montrer et elle expliquera même frontalement son message dans une réplique en fin de film.

Ça ne l'intéresse pas d'être réaliste, elle veut montrer un environnement de travail assez unique et une autre vision du monde. Et ça, elle le fait plutôt bien. En se mettant à la place du personnage campé par Louise Chevillotte qui va se mettre à voir des gens nus partout, en travaillant les lumières comme jamais pour les scènes d'effeuillage ou même en s'amusant avec des sketchs joués par les filles du club. On retiendra particulièrement un numéro autour des gilets jaunes qui est assez drôle. L'ambiance est assez bon enfant finalement et c'est en cela que le film m'a surpris. Ce n'est pas mis en scène avec une grande finesse mais je trouve que ça fonctionne pas trop mal. Évidemment, en dehors de la lumière et des idées générales de mise en scène, le charisme du duo d'actrices mis en avant par le film y est pour beaucoup.

C'est une vision idéaliste de la liberté féminine, l'idée étant de se demander pourquoi elles devraient vivre dans la peur, même en pratiquant un métier où elles s'exposent à autant de danger ? C'est au monde de s'adapter, pas l'inverse. C'est certainement naïf dans la société dans laquelle nous vivons mais comme je ne m'attendais pas à ce traitement-là et que sur le principe ça m'a parlé, j'ai passé un bon moment en regardant ce film.