Après le sublime et violent "Whiplash", la semaine dernière, l'année se finit avec ce drame sombre, qui a les mêmes qualités que le précédent : une mise en scène magnifique, une photographie sublime, une lumière parfaite, une atmosphère oppressante et un duo Oscar Isaac et Jessica Chastain, impressionnants.
1981 dans les rues de New-York, la violence est omniprésente : 1,2 millions de délits recensés, 2100 meurtres, 5500 viol et 600 000 actes avec violence. C'est dans cette ville en déclin, ou règne la corruption, qu'Abel Morales (Oscar Isaac) tente de rester dans le droit chemin. C'est un homme ambitieux, voulant s'agrandir mais doit faire face au FBI qui le soupçonne de fraudes, à la mafia qui tente de le racketter, à ses concurrents qui le volent et à lui-même, tentant de résister à l'argent facile.
Après sa prestation réussie dans "Inside Llewyn Davis", Oscar Isaac continue d'impressionner et s'impose avec son physique de mafieux, portant le film ou brille aussi Jessica Chastain, dans un second rôle de femme de l'ombre, au fort caractère, poussant son mari sur les voies de l’illégalité. Un homme en plein conflit et dont on se demande à quel moment, il va franchir la limite, qu'il continue de repousser, malgré les attaques physiques et psychologiques, qu'il subit.
Le réalisateur et scénariste J.C. Chandor, après "All is lost"; ou il filmait Robert Redford en navigateur solitaire; revient avec un mélange de celui-ci et de son premier film "Margin Call". Oscar Isaac est seul contre le monde, comme Robert Redford était seul contre la mer. Il revient dans la ville de New-York, ou après la finance mondiale, il s'intéresse à un patron et à ses rêves de grandeur, dans un milieu tout aussi corrompu et hostile.
Il s'est inspiré de James Gray, Martin Scorsese et William Friedkin pour son histoire. On le ressent dans l'esthétique au travers de chacun de ses plans, du temps qu'il prend pour mettre la trame en place, tout en instaurant une ambiguïté, au travers du personnage d'Oscar Isaac, semblant tout droit sorti d'un film de mafieux. Puis il y a cette scène de poursuite, un des rares moments ou l'action s'emballe dans la rue, puis le métro, comme dans "French Connection".
Malgré tout, il manque ce petit truc, pour rendre le film parfait. Même s'il est maîtrisé, du début à la fin, il y a ces moments superflus, qui donnent envie de dire : non, là c'est trop. Déjà en lutte avec le FBI, la mafia, ses concurrents, lui-même et aussi sa femme. Le héros croise la route d'un cerf, puis doit faire face à un employé au bord de la rupture, débarquant à un moment opportun. Si ces moments apportent une symbolique à chaque fois, c'est aussi un brin excessif, comme s'il avait une poisse incroyable. Un léger bémol à une oeuvre passionnante, qui impose J.C. Chandor, comme un réalisateur à suivre, qui était déjà prometteur avec "Margin Call".
En ouvrant son film sur "Inner City Blues" de Marvin Gaye, J.C. Chandor mettait la barre haute. Il ne déçoit pas et durant deux heures, nous offre un drame sombre et oppressant, teinté de polar et magnifié par un Oscar Isaac en route pour une nomination amplement méritée aux oscars, emmenant avec lui Jessica Chastain et surement son réalisateur.