A travers les Rapides est un excellent représentant de cette école suédoise et on voit clairement l'influence qu'il a pu avoir sur Dreyer, notamment La Fiancée de Glomdal pour son cadre ou La Quatrième alliance de Dame Marguerite et Le maître du logis pour les relations entre personnages.
On s'attache un peu moins aux personnages que dans Erotikon à cause d'une approche plus froide et distante, avec aussi une psychologie plus authentique car moins aimable. Le naturalisme ne s'applique ainsi pas qu'à la dimension picturale. Celà dit, cette austérité concerne surtout la première moitié qui installe le contexte et met doucement en place la frustration de cette jeune épouse, prisonnière d'une demeure isolée, face à une belle-mère insensible et un mari aussi absent qu'indélicat. Elle cédera donc en avance d'un voyageur qui lui propose une meilleure vie.
Ce qui est remarquable, c'est la manière non seulement d'intégrer la nature et l'environnement dans le cadre et la narration mais surtout de ne jamais chercher à l'idéaliser avec lyrisme et insistance. Ainsi, la réalisation est d'autant plus fluide qu'elle ne s'attarde pas sur ce qu'elle montre ou que la composition des plans ne cherche pas à dérouler sa virtuosité plastique. Il n'y a pas de volonté de faire du morceau de bravoure à la Griffith alors que tout s'y prête (les deux héros pris dans les tumultes d'un torrent), ce qui témoigne d'une honnêteté et d'un intégrité louables à l'instar du refus du manichéisme pour la conception de ses protagonistes.