Dans un univers steampunk, une ville est coupée du monde par un grand mur. L’état contrôle la population infectée par une terrible maladie asymptomatique qui ne se détecte qu’avec un appareil spécial. Des agents gouvernementaux, masqués afin de préserver leur anonymat, traquent les contaminés. Abigail, la fille d’un chercheur arrêté il y a longtemps, rejoint la rébellion. Elle découvre une réalité qui n’a rien à voir avec le discours gouvernemental.
Petit film réalisé par le débutant Aleksandr Boguslavsky (auteur du moyen Les maîtres de l’illusion), Abigail est un film d’urban fantasy, style trop rare pour être dédaigné. Hormis Eddie Marsan (très bon acteur par ailleurs), le casting est russe ou assimilé et généralement inconnu en Occident. Les deux jeunes qui jouent le couple de héros ne sont d’ailleurs pas très doués. Le scénario assez simple se suit sans difficulté. En revanche, le monde est bien travaillé, plutôt original et très plaisant. La galerie de personnages est également sympathique, avec ses archétypes attendrissants à défaut d’être nouveaux. La magie ressemble à celle de Harry Potter (avec les bracelets en guise de baguettes et les sortilèges où il faut viser), mais ce n’est pas bien grave. La narration fait découvrir un monde ouvert et laisse la possibilité d’une suite qui serait bienvenue ; on s’attache à ces personnages échevelés et sympathiques. Enfin, l’esthétique légèrement steampunk est réussie et correspond à la magie du monde. Bref, le film est agréable à regarder.
Ce qui fait l’intérêt particulier de cette œuvre est sa prémonition. Sorti en 2019, le film conte l’histoire d’une ville-état coupée du monde pour cause de pandémie. Le dépistage est effectué par des agents assermentés qui ont tous pouvoirs et le fonctionnement des tests pratiqués est inconnu du public. Et ces agents sont masqués, des fois que l’allégorie ne soit pas assez parlante. La rébellion est la seule à connaître le véritable rôle de ces tests et la réalité de la soi-disante pandémie. Elle prend du coup un tout autre sens et laisse pantois. En effet, nous connaissons la teneur des théories du complot trois ans après notre pandémie. Les œuvres artistiques prédisent parfois le futur ; celle-ci est particulièrement impressionnante dans ce domaine.
À voir pour les amateurs d’urban fantasy et de voyance.