Un livre est destiné à être lu, contemplé et apprécié à sa juste valeur. Il s’agit également d’un support qui communique dans les deux sens. Le contenu peut développer une relation particulière avec la personnalité des lecteurs. L’auteur joue alors le rôle de messager et dans sa longue lettre, il finit par mêler la fiction et l’expérience personnelle. Il s’ouvre ainsi au monde qui n’a plus qu’à le découvrir, tel qu’il est et avec les nuances et les ambiguïtés qu’il apporte. C’est ce que la réalisatrice Marya Cohn nous livre dans une semi-autobiographie, empreint d’autodestruction et de révolte. Ce qu’une œuvre raconte laisse une place importante à la femme la dynamique du pouvoir qui l’entoure. Et c’est par le biais de la littérature qu’elle parvient à explorer les sentiments clé pour la reconstruction de son héroïne.
Régulièrement cantonnée dans des rôles secondaires sur le grand écran, Emily VanCamp s’échappe des séries TV pour faire la une d’un récit très personnel. Elle campe ainsi une jeune femme, constamment en redécouverte de son univers, torturé par le passé : Alice Harvey. Elle souhaite reconquérir ce qu’elle a perdu durant une enfance mélancolique. Si la littérature en fait d’elle une personne passionnée et concernée, il ne s’agit que d’une parcelle de son identité qui se désintègre au fur et à mesure de son histoire. Dans le présent, elle patauge dans une banalité affligeante, aux portes de sa délivrance. Seuls ses écrits lui permettent de subsister, mais c’est avant tout de l’attention et de la reconnaissance qu’elle recherche. Comme tout auteur généreux, c’est avant tout le premier sentiment qui doit traverser l’esprit. Cette récompense n’est possible que par une symbiose parfaite entre la compréhension de l’auteur et ce que véhicule son œuvre.
La maison d’édition pour laquelle elle travaille est un lieu où le passé et le présent s’entremêlent. D’un côté, le succès de son enfance lui rappelle à quel point elle se sentait abandonné. Son père la laisse transparente, à l’égard de ses relations qui pouvait la changer. Cependant, l’une d’entre elles lui a laissé des cicatrices, retardant son entrée dans l’âge adulte et sa sortie de l’adolescence qui la bloque perpétuellement. À partir de là, l’intrigue enchaîne vivement les flashbacks et le parallèle à son présent. Cette jeune célibataire accorde peu d’attachement à son avenir, car sa plus grande problématique du passé revient la hanter. Et c’est avec soin que le discours d’abus de pouvoir des hommes voit le jour. Alice est prise entre deux feux, voire même plus à la fois, ce qui la fait régulièrement douter. C’est donc ce doute qui lui fait prendre des décisions parfois exaspérantes, mais qui finissent par invoquer et gagner une certaine empathie.
« About Alice » (The Girl In The Book) est comme un ouvrage dont le but est de trouver un compromis entre les obstacles et une piste d’évasion. Le rôle de la femme est d’ailleurs bien mis à l’épreuve lorsque l’on suit une Alice déchirée intérieurement. Sa spontanéité est ce qui fait d’elle une personne exceptionnelle et son interprète lui donne tout ce qu’il faut en justesse pour lui accorder un semblant de crédibilité. Et quand bien même la narration piétine et tourne en rond sur un ressort très symbolique, chacune des étapes dévoilent davantage la crainte ou le bonheur de suivre ce personnage. Peu à peu, le portrait que l’on dresse d’Alice se redessine pour ne laisser que le meilleur d’elle, preuve que l’émancipation avec son adolescence et son foyer est une réussite.