Mortel système
Visiblement, la cinéaste coréenne July Jung, qui a la réputation d'être une perfectionniste, aime prendre son temps. Son premier et jusqu'alors seul long-métrage, A Girl at my Door, datait en effet...
le 7 oct. 2022
31 j'aime
Support: Bluray
Pour peu que l’on soit coutumier du cinéma coréen, on ne peut qu’être conscient que quelque chose cloche dans le système du pays. Que ce soient les inégalités sociales satirisées par l'entièreté de la filmographie de Bong Joon-ho, la corruption qui gangrène l’état telle que dépeinte dans Nameless Gangster, le soucis du paraître qui amène à des situations désastreuses chez Park Chan-Wook, ou encore les fondations sanglantes de la démocratie dans A Taxi Driver, tout le cinéma du pays du matin calme se met en porte à faux face à ce pays récemment devenu riche (comptez à peine quatre décennies). Le développement ne s’est pas fait sans casser quelques œufs, et il n’est donc pas étonnant de voir paraître l’adaptation d’un fait divers comme celui traité par July Jung dans About Kim Sohee.
C’est ici la course à l’excellence qu’attaque l’oeuvre, une idéologie commune en Asie (je vous conseille de jeter un œil à Better Days de Derek Tsang) qui permet les pires travers et conduit à l’anéantissement du vivant au profit d’une machinerie bien huilée. Kim So-hee est une étudiante qui rentre en stage dans un centre d’appel, et y perd peu à peu toute vitalité jusqu’à commettre l’irréparable. Victime de l’agressivité de ses clients, forcée à vendre ses abonnements à des individus en deuil, mise en compétition directe avec ses collègues et les autres équipes de la boîte… Tout concourt à sa disparition dans la masse. Et lorsque démarre la seconde moitié du film, où Yoo-jin (Doona Bae, toujours impeccable) cherche à faire rendre des comptes aux responsables, elle se heurte non pas à un mur mais à des portes tambours qui rejettent toute forme de participation à la mécanique. Une dilution de la responsabilité où tous les engrenages de la société sont en défaut et entraînent le broyage systématique des individus. Du pressoir de la famille aux conflits d’intérêts de l’école, en passant par l’aliénation de l’entreprise et l’incompétence et inappétence des services étatiques.
Si on peut reprocher aux films quelques redondances dans ses deux segments constitutifs, il n’en est pas moins efficace dans son approche de reportage sur un drame du quotidien qui émeut le spectateur autant qu’il indiffère les instances accusées. So-hee était vivante, une danseuse pleine d’entrain. Elle n’est plus, et d’elle ne subsiste que des traces enregistrées qui prouvent bien que le problème est ailleurs que dans sa peau.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films coréens, Les meilleurs films avec Bae Doo-Na, Les meilleurs films de 2023, Filmothèque Bluray et On regarde quoi en 2024? (Films)
Créée
le 19 juin 2024
Critique lue 9 fois
1 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur About Kim Sohee
Visiblement, la cinéaste coréenne July Jung, qui a la réputation d'être une perfectionniste, aime prendre son temps. Son premier et jusqu'alors seul long-métrage, A Girl at my Door, datait en effet...
le 7 oct. 2022
31 j'aime
D'abord un drame, puis un thriller d'investigation à part entière, rempli de lanceurs d'alerte, de témoins inutiles et, fidèle à ce genre, une détective fatiguée (bien sûr, en conflit avec sa...
Par
le 5 avr. 2023
17 j'aime
D'un côté des hommes d'affaires qui mènent leur entreprise pour le mieux et qui sont par obligation professionnelle coupés du monde et qui ne cherchent pas à le comprendre.De l'autre de simples...
Par
le 19 mai 2023
8 j'aime
1
Du même critique
Alors qu’à chaque nouvelle itération de la formule qui trône comme l’une des plus rentables pour la firme française depuis déjà quinze ans (c’est même rappelé en lançant le jeu, Ubisoft se la jouant...
Par
le 10 oct. 2023
19 j'aime
Il est de ces jeux qui vous prennent par la main et vous bercent. Des jeux qui vous entraînent dans un univers capitonné, où de belles couleurs chaudes vous apaisent. Spiritfarer en est. Le troisième...
Par
le 9 sept. 2020
13 j'aime
2
Cinquante heures pour le platiner, et c'est d'ailleurs bien la première fois que j'arrive à aller aussi loin dans un roguelite. Non pas qu'il soit facile, il est même étonnamment ardu pour un triple...
Par
le 30 juin 2021
11 j'aime
6