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Pour peu que l’on soit coutumier du cinéma coréen, on ne peut qu’être conscient que quelque chose cloche dans le système du pays. Que ce soient les inégalités sociales satirisées par l'entièreté de la filmographie de Bong Joon-ho, la corruption qui gangrène l’état telle que dépeinte dans Nameless Gangster, le soucis du paraître qui amène à des situations désastreuses chez Park Chan-Wook, ou encore les fondations sanglantes de la démocratie dans A Taxi Driver, tout le cinéma du pays du matin calme se met en porte à faux face à ce pays récemment devenu riche (comptez à peine quatre décennies). Le développement ne s’est pas fait sans casser quelques œufs, et il n’est donc pas étonnant de voir paraître l’adaptation d’un fait divers comme celui traité par July Jung dans About Kim Sohee.


C’est ici la course à l’excellence qu’attaque l’oeuvre, une idéologie commune en Asie (je vous conseille de jeter un œil à Better Days de Derek Tsang) qui permet les pires travers et conduit à l’anéantissement du vivant au profit d’une machinerie bien huilée. Kim So-hee est une étudiante qui rentre en stage dans un centre d’appel, et y perd peu à peu toute vitalité jusqu’à commettre l’irréparable. Victime de l’agressivité de ses clients, forcée à vendre ses abonnements à des individus en deuil, mise en compétition directe avec ses collègues et les autres équipes de la boîte… Tout concourt à sa disparition dans la masse. Et lorsque démarre la seconde moitié du film, où Yoo-jin (Doona Bae, toujours impeccable) cherche à faire rendre des comptes aux responsables, elle se heurte non pas à un mur mais à des portes tambours qui rejettent toute forme de participation à la mécanique. Une dilution de la responsabilité où tous les engrenages de la société sont en défaut et entraînent le broyage systématique des individus. Du pressoir de la famille aux conflits d’intérêts de l’école, en passant par l’aliénation de l’entreprise et l’incompétence et inappétence des services étatiques.


Si on peut reprocher aux films quelques redondances dans ses deux segments constitutifs, il n’en est pas moins efficace dans son approche de reportage sur un drame du quotidien qui émeut le spectateur autant qu’il indiffère les instances accusées. So-hee était vivante, une danseuse pleine d’entrain. Elle n’est plus, et d’elle ne subsiste que des traces enregistrées qui prouvent bien que le problème est ailleurs que dans sa peau.


Frakkazak
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le 19 juin 2024

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