"Accords et désaccords" a les qualités des défauts de son personnage, un guitariste de génie aussi instable que narcissique... Allen ne nous fournit pas ici une de ces complexes névroses dont il a le secret mais bien le cas somme toute assez simple d'un individu trop égoïste pour son propre bien, un artiste conscient de son talent et pourtant taraudé par la peur du succès. Le film est donc tour à tour charmeur (par la magie de la guitare) et agaçant (par la médiocrité de son héros). Sean Penn donne ici une belle performance, mais il est curieusement souvent dépassé par les acteurs des seconds rôles alentours.


J'ai été assez séduit par ce film, dont je n'attendais pas grand chose au demeurant, sans doute à cause de Penn, dont je redoutais le cabotinage. Bon, tout le jeu autour du musicien qui se prend pour une diva est en effet un peu lourd, comme l'idée que sous la vulgarité peut se cacher un diamant brut, mais Allen a le bon gout de ne pas en faire la trame principale. Outre bien entendu le désir de rendre hommage au jazz qu'il aime, ce qui semble l'intéresser davantage est cette fêlure qui isole Emmet, incapable de sortir de lui-même, qui parle aux autres mais n' a aucune capacité à les écouter .

Voilà un personnage qui se cherche un public, pas un contact. Se mettant en scène de manière halluciné (la lune de l'affiche), traînant ses conquêtes dans les bas-fonds, arnaquant son monde, Emmet rate tous ses effets, incapable de comprendre les réactions des autres, perdu dans son film. "Accords et désaccords", sous le jeu de la comédie, est bien une descente vers l'enfer de la solitude...


Les personnages féminins sauvent ce film de ses propres clichés, avec notamment Samantha Morton, excellente dans le rôle de la compagne muette de Emmet, partenaire dont le silence convenait à ce narcisse et dont il ignorera la vraie valeur. Uma Thurman joue elle un rôle assez sympa, romancière assoiffé d' "expériences" et public idéal pour l'histrion à guitare (c'est pourtant elle qui lui expliquera ce qui manque dans sa musique).
J'ai bien aimé aussi le thème du "brillant second", cette malédiction qui fait croire que le meilleur vous dépasse irrémédiablement (Emmet s'évanouit chaque fois qu'il rencontre Django Reinhart) et qui vous paralyse jusqu'à vous faire rechercher l'échec.


Ce film est assez inégal et Allen tente des trucs bizarres (le format de l'interview, les fins alternatives, le polar intempestif, etc..) mais je trouve que l'histoire brouillonne de son musicien échevelé ne manque pas d'un certain charme doux-amer. Je recommande prudemment, guys et guysettes!

nostromo
7
Écrit par

Créée

le 23 juil. 2017

Critique lue 409 fois

6 j'aime

nostromo

Écrit par

Critique lue 409 fois

6

D'autres avis sur Accords & Désaccords

Accords & Désaccords
wildsevens
7

"On va regarder passer les trains ?" "...Pardon ?"

Premier film du petit marathon cinématographique impossible dans lequel Clou et moi-même nous sommes lancés (la liste ici :...

le 20 sept. 2014

8 j'aime

1

Accords & Désaccords
Clou
6

Il y a là le squelette d'un bon film, mais pas l'âme.

Il faut reconnaître un certain talent au film Accords et désaccords de Woody Allen. Emmet Ray est un guitariste jazz de génie fictif que Woody hisse espièglement au rang de personnage historique...

Par

le 24 sept. 2014

7 j'aime

3

Accords & Désaccords
nostromo
7

Amers accords...

"Accords et désaccords" a les qualités des défauts de son personnage, un guitariste de génie aussi instable que narcissique... Allen ne nous fournit pas ici une de ces complexes névroses dont il a le...

le 23 juil. 2017

6 j'aime

Du même critique

The Leftovers
nostromo
4

La Nausée...

Saison 1 seulement ! (Et pour cause!) The Leftovers n'est pas vraiment une série sur la "rapture" chrétienne, ni sur les extra-terrestres ou tout autre concept fumeux... Il y est plutôt question de...

le 29 sept. 2014

37 j'aime

11

Le Tombeau des lucioles
nostromo
10

La guerre, oui, mais d'abord l'enfance...

Quand j'ai vu "Johnny got his gun", je savais très bien à quoi m'attendre. Et ça ne m'a guère aidé... Pour "Le Tombeau des lucioles", je n'avais aucune idée de ce que j'allais voir, et je vois bien...

le 17 avr. 2013

35 j'aime

4