Il serait bien sot d’établir la liste des films noirs dont la dimension morale est trop simpliste, voire inexistante, tant cela semble la règle. Il faut croire que soit les réalisateurs n’ont ni le temps ni l’envie de se creuser les méninges, soit ils ne veulent pas brusquer un public habitué au banal et primaire manichéisme hollywoodien. Or, dans Act of Violence, Fred Zinnemann surprend tout le monde en cherchant à rendre la complexité de l’homme et en enrichissant ses personnages d’une profondeur morale rare.
Zinnemann invite en effet le spectateur à remettre en cause ses jugements hâtifs qu’il établit au moyen des apparences : du père de famille modèle ou du boiteux nocturne bien louche muni d’un pistolet, qui représente la figure du Mal ? Élémentaire, mon cher public ! Or, comme vous l’avez compris, les apparences sont ici trompeuses, et l’on ne tarde pas à se rendre compte qu’il y a anguille sous roche.
Toutefois, tout n’est pas si facile. Chacun des personnages aura sa part de Mal et de Bien et ce mélange des axes déteint même les personnages secondaires : la femme modèle/idéale épousant à la perfection les normes sociales de l’époque deviendra finalement malgré elle femme normale, avec ses défauts et sa part de culpabilité (et ce, en accusant son mari de ces mêmes défauts) ; alors que la femme de petite vertu fera tout pour sauver la vie de l’homme en péril dont elle n’abusera jamais, même ivre.
C’est donc bien l’originalité de l’approche axiologique de Zinnemann qui étonne en premier lieu et mérite avant tout d’être soulignée. Cependant, on est loin du film philosophique. Au contraire, tous les codes du film noir sont par ailleurs respectés et très bien mis en scène : le noir et blanc léché et son incontournable clair-obscur / jeux d’ombre ; le suspens, parfaitement maintenu jusqu’à la dernière scène ; le fatalisme qui accable les protagonistes, avec ici une excellente prestation générale des acteurs, Van Heflin en tête.
Une petite pépite à découvrir sans hésitation.