Premier film noir de Fred Zinnemann que je vois (le réalisateur du western High Noon, mais aussi de drames plutôt romantiques comme Tant qu'il y aura des hommes ou plutôt historiques comme Un homme pour l'éternité), et probablement l'un des premiers à aborder le thème des vétérans de la Seconde Guerre mondiale de manière aussi franche et sombre. Act of Violence frappe dès son introduction par le caractère frontal de son exposition, montrant le personnage joué par Robert Ryan avancer droit vers son but, froid et déterminé, arme à la main, avec pour objectif la mise à mort d'une personne, en l'occurrence Van Heflin en train de passer un weekend tranquille de pêche entre amis. Il ne faut pas attendre 10 minutes avant de le voir passer à deux doigts d'atteindre son but.
En cette année 1948, l'histoire de ce soldat blessé sur le retour, aux intentions incertaines pendant la moitié du film, est décidément très éloignée de quelque forme de célébration que ce soit. L'heure n'est pas aux réjouissances mais plutôt aux règlements de compte. Les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit spontanément, un thème en construction qui n'en était qu'à ses balbutiements à l'époque.
Autant le côté profondément énigmatique du dessein de Ryan alimente une tension très appropriée dans le cadre d'un thriller appartenant à ce sous-genre, autant on peut avoir certaines réserves concernant la présentation du personnage de Heflin, dont la description unilatérale de l'apparent bonheur (femme aimante interprétée par Janet Leigh, joli bambin, citoyen d'honneur de la ville, homme respectable et figure de héros de retour de la guerre) met tout de suite sur la piste d'une "arnaque" scénaristique. Et puis bon, c'est Van Heflin, on le sent plus du côté d'un James Cagney en puissance que d'un James Stewart bien sous tous rapports...
En tout état de cause l'arrivée de Robert Ryan est très réussie en tant qu'élément perturbateur rompant avec la vie paisible de cette petite ville états-unienne, à l'image d'un zombie claudiquant maladroitement — on apprendra que les deux personnages partagent un passé commun de prisonniers de guerre, incluant la trahison du premier et la survie surprise du second. Le travail de Robert Surtees comme chef opérateur est particulièrement remarquable et donne vraiment tout son cachet au film, enserrant les pauvres humains dans des cadres écrasants, menaçants, rongés par leurs secrets ou par leurs douleurs. On aurait aimé une fin plus noire et moins morale que celle-là, au terme d'une soudaine rédemption, sans doute contrainte par le code Hays de faire payer celui qui s'est compromis.
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