Fade Astra
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le 20 sept. 2019
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La notion d'héroïsme est souvent mise à l'honneur dans le film, résultant d'un patriotisme plutôt fréquent dans l'univers cinématographique et culturel américain. L'astronaute McBride, personnage principal, a dédié sa vie à la découverte spatiale. Il a de grandes responsabilités, c'est lui qui est choisi pour sauver notre chère planète bleue voire notre système solaire entier. Ce dernier est chargé de surcharges électriques/ électromagnétiques causées par un projet dirigé par le père de Roy, qui n'est autre que l'un des plus prestigieux astronautes de l'histoire, connu notamment pour son voyage jusque Neptune. Roy va ainsi voyager jusque Neptune, pour tenter de retrouver son père (censé être mort) et régler le problème des surcharges. Ce voyage se déroulera en plusieurs étapes, la première se déroulera sur la Lune, la seconde sur Mars pour arriver sur Neptune.
Le nœud central du film est la relation père/ fils ou du moins l'absence de relation. Roy McBride a grandi sans figure paternelle. A l'âge de 16 ans, il voit Tommy Le McBride quitter la planète Terre pour une mission spatiale dans le cadre du projet appelé Lima pour une durée indéterminée. A 29 ans, son père est porté est disparu, présumé mort. A 30 ans passé, Roy devenu un astronaute exemplaire (capable de maintenir son pouls à moins 80 pulsations/ minute durant une situation à risque, (comme une station spatiale en train d'exploser avec l'obligation de se faire éjecter en saut en parachute). C'est un astronaute respecté et admiré malgré la gloire de son père qui lui est sans cesse rappelé.
Le personnage de Roy est présenté comme froid et distant, avec une maîtrise quasi parfaite de lui même. Il a tendance à beaucoup s'isoler, il reste seul dans son monde, à faire le point sur lui - même. Déformation professionnelle ? En effet, il est constamment suivi psychologiquement. Les "chapitres" du film seront rythmés par ces tests psychologiques obligatoires. C'est pas ailleurs dans ce contexte, que le film commence. Cette scène est particulièrement intéressante. Il décrit son état émotionnel et physique de manière mécanique. Il répond simplement ce qu'on attend de lui pour que son évaluation psychologique puisse être validée et être opérationnel pour ses missions. Il ressemble à un pantin, qui répète inlassablement la même leçon. Quand il va apprendre que son père est vivant, toutes les "cloisons" émotionnelles qu'il s'était construit s'effritent et se désagrègent. Cette notion de cloison est justement utilisée par le personnage lui - même en voix - off. C'est ce qui lui permettait de maintenir un certain contrôle sur lui - même. Ce contrôle était important car ses blessures émotionnelles causées par la disparition et le manque de son père n'ont pas été "traitées", guéries mais enfermées dans de petites boîtes.
Le film se déroule principalement dans l'espace. Cette étendue sans fin fait écho à la relation de Roy et son père. Ce vide, ce néant, cet obscurité, cet inconnu, ce sont des notions toutes aussi présentes dans les décors que dans cette relation, sujet principal du film. Le voyage qu'entreprend Roy pour retrouver son père retrace et "extériorise" d'une certaine manière, ce voyage intérieur qu'il a dû faire pour grandir sans son père et se construire. Les moments où il croit son père mort, puis finalement se rend qu'il y a une possibilité de le voir, d'échanger avec lui et de rentrer avec lui, ce sont des émotions et des expériences, un espoir que Roy a fatalement connu plus jeune sur Terre. Plus Roy avance dans son voyage, plus il se remet en question, c'est un véritable voyage introspectif qui se met en place. Il se pose de plus en plus de questions aussi sur son père. Qui est - il lui même ? Qui est réellement son père ? Comment un garçon grandit - il et se construit - il sans modèle paternel ? Plus son voyage progresse, plus il se détache du déni qui le nouait. Son père n'est pas le héros que tout le monde croit, et il est en colère, il se sent abandonnée. Ces pensées qui étaient enfouies au plus profond de lui jaillissent petit à petit. L'image du père victorieuse et héroïque s'effondre. Ce voyage va lui permettre d'explorer les zones les plus sombres de lui - même, de s'affronter, mais affronter aussi son père qu'il n'a pas revu depuis des années et dont il attend beaucoup.
Quand Roy retrouve finalement son père, il est ému, soulagé. Cependant son père reste froid et distant. L'image de Roy au tout début du film lui est reflété à cet instant. Il demande à son père de rentrer avec lui sur Terre mais se retrouve face à un mur indifférent aux retrouvailles avec son fils. Une phrase, qui personnellement m'a transpercé le cœur, c'est cette réplique que Roy répond à son père "I know dad... Still love you"suite à son rejet. Certainement des mots qu'il a espérer pendant des années durant de prononcer à nouveau Cependant, même si son père le suit dans un premier temps, ce sera pour mieux partir à nouveau. Ils sortent du vaisseau où était le Tommy Lee McBride, les deux hommes sont reliés par un long câbles. Une analogie entre le câble qui les relie et le cordon ombilical est intéressante à faire. Roy utilise ce câble le temps de rejoindre son vaisseau, ils sont donc dans l'espace équipés de leur combinaison et de ce câble pour ne pas se perdre l'un l'autre. C'est son père qui va vouloir détacher ce lien et couper ainsi ce cordon. Ce "lien familial" est rompu de manière brutale. Néanmoins puisqu'il s'agit d'un simple câble, ce lien familial présenté n'est autre que factice, son père l'a prouvé en l'abandonnant une seconde fois. Ce lien était vide de sens et de représentait rien d'autre que du vide, comme l'endroit dans lequel ils se trouvent durant cette séquence. Son père souhaitait couper le lien, mas c'est Roy qui le fait en détachant volontairement (il n'a pas eu réellement le choix).
C'est lui cette fois - ci qui accepte la séparation en la provoquant lui - même. Cette instant bien précis où il décide de laisser partir son père de manière définitive sert de catharsis à Roy. Il se retrouve ainsi libéré de cette emprise patenelle qui agissait dans l'ombre. L'absence de son père représentait ses démons, ses peurs, ses angoisses, ses questions sans réponse, des espoirs refoulés.
Le dernier test psychologique effectué sur son retour sur Terre est un contraste frappant avec le premier du film. Le décor est exactement le - même mais Roy est totalement différent. La posture n'est plus la même, dans le premier est il était légèrement voûté , la tête basse. En revanche dans le dernier, il se tient droit, la tête relevée (on a presque un regard caméra), l'air serein et reposé, un sourire en coin sur le visage. Et contrairement à tous les autres tests on ne connait pas le résultat de cette évaluation, en soin pas besoin, car il n'a jamais été aussi bien que durant tous les autres tests. On peut aussi l'interpréter par le fait que ce soit au spectateur de décider du résultat du personnage, bien que ce soit évident (de mon point de vue du moins), ou une volonté du réalisateur de ne pas créer de pléonasme. L'une des dernières phrases qu'il prononce durant son test est : "Je vais vivre et aimer", c'est tout ce qu'il s'est interdit depuis la disparition de son père. Il s'est libéré de cette ombre paternelle castratrice.
C'est un film touchant, qui joue beaucoup sur la colorimétrie, il y a un effort stylistique intéressant. D'autres questions sont abordées dans ce film, les guerres entre "planètes" (je compte la Lune même si ce n'est pas une planète). La Lune qui se transforme en planète Terre 2.0 etc. C'est un film à voir selon moi, pour l'esthétique, le sujet, le jeu d'acteur.
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Créée
le 9 oct. 2019
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