Un film danois, c’est ainsi qu’Anders-Thomas Jensen présente Adam’s Apples, c’est-à-dire un film où le personnage principal a pu connaître quelques difficultés dans sa vie, même s’il le cache bien ! Un film qui serait assurément sombre sans les nombreuses touches d’humour et la folie omniprésentes instillées par le précédent auteur des Bouchers verts.


Mais c’est d’abord et avant tout un film sur le déni. Adam, néonazi, sort préventivement de prison pour intégrer une petite communauté dirigée par un pasteur un peu particulier, Ivan. Le mal, le bien, la rédemption progressive, on craint un schéma classique mais la personnalité d’Ivan, d’emblée, montre que le film de Jensen sortira du chemin d’un scenario classique et prévisible : le projet d’Adam pour s’amender sera de faire un gâteau aux pommes, et d’abord, de veiller au pommier et à la future récolte !


Le titre, la référence à la pomme, tout ça pourrait être un peu lourd (et cet excès n’est pas toujours évité), en tout cas pour quelqu’un comme moi qui, sans se désintéresser de la question religieuse, n’était pas venu voir un film traiter de ce genre de question. Ces références ne sont pas absentes, loin de là, avec la mise en avant du Livre de Job, les épreuves subies par Ivan en faisant un nouveau Job, mais Adam’s Apples est d’abord un film sur l’Homme, sur les pommes d’Adam qui nous constituent, et que l’on accepte plus ou moins bien. Celles d’Ivan qui, pour accepter d’être encore en vie, pour valider sa croyance en Dieu, présente tous les obstacles et difficultés qui surgissent comme autant d’épreuves lancées par Satan, qu’il faut surmonter. Démarche qu’il applique aux autres, brebis égarées venues tenter une rédemption dans son petit troupeau : au départ, on croit qu’il s’agit juste d’une bienveillance pygmalienne, mais l’on comprend ensuite qu’il s’agit d’un aveuglement, d’un déni de toute réalité : Ivan ne cesse de se bercer d’illusions, se mentant pour accepter l’insupportable. Son aveuglement est la seule solution qu’il a trouvé pour accepter tous les maux qui le touchent, et donc y survivre. Cet homme est complètement siphonné, mais c’est aussi ce qui le rend attachant, ce qui lui permet d’ouvrir son cœur à ces pauvres gens perdus, de les accepter ainsi même si pour plusieurs d’entre eux, il ne les aide pas vraiment puisqu’il ne peut voir qu’ils ne s’en sortent pas.


Adams Apples n’est pas tout public, certains adeptes d’un cinéma classique trouveront que le film part un peu trop en sucettes ; ils ne supporteront pas les incongruités, les personnages foutraques, l’absurdité de l’ensemble. Il faut se laisser aller dans ce film à la belle esthétique, accepter cet univers surréaliste et même ce happy end excessif.


Un film plaisant, drôle, où l’on notera le gros travail sur le maquillage et la coiffure, et surtout le nez bien enfoncé de Mads Mikkelsen, impressionnant dans ce rôle, de même qu’Ulrich Thomsen, qui parviendrait presque à nous rendre finalement sympathique le néo-nazi qu’il incarne. Bref, un conte philosophique agréable, même si je lui préfère les Bouchers verts, du même réalisateur.

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le 20 juin 2015

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socrate

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