A l'heure des comptes, il est difficile de constater que le monde ne portera aucune trace de notre passage, ou de réaliser que l'on partira avec des remords.
Adieu Les Cons débute dans une charge amère et désabusée, la maladie annoncée par un toubib qui fait ce qu'il peut, mais qui s'y prend finalement comme un manche. Tout comme ce supérieur hiérarchique, qui évince, qui ne tient pas compte de l'allégeance et du travail d'une vie.
Adieu Les Cons impose à ses personnages vedettes le dérisoire, le mur que l'on se prend dans la tronche alors qu'on réalise que l'on est finalement pas grand chose. Et qui plus est un pas grand chose pris au piège des carcans de la norme.
Adieu Les Cons navigue donc entre le tragique et le comique d'une fuite en avant vécue à la hauteur d'un duo mal assorti. Dans une odyssée d'abord des plus classiques, presque routinière, éclairée par des saillies humoristiques qui, tout d'abord, n'ont tout simplement pas l'air d'y toucher. Avant de verser dans l'absurde, comme si l'on demandait à un aveugle de conduire ou encore de monter la garde. Albert Dupontel conserve donc son art de l'absurde attachant et imparable. En le baignant de visions presque oniriques, à l'image de cette plongée dans les archives de cette administration sclérosée typiquement française, ou de cette montée le long d'un escalier en colimaçon, emmenant ses protagonistes tout simplement ailleurs...
Jusqu'à cette seconde partie d'un film où la fuite n'est que prétexte à l'explosion des sentiments. Car l'on s'attache à cet obscur fonctionnaire sans attaches, sans passé, privé de sa seule reconnaissance professionnelle. Car l'on ne peut que tomber amoureux de cette coiffeuse condamnée pour excès de permanente qui veut renouer avec sa chair. Car on ne peut que sourire devant cet aveugle clairvoyant accompagnant le duo, improbable compagnon d'aventure, sûr qu'un handicapé ne peut aller en prison...
Et c'est tout le fatalisme, l'existentialisme et l'absence de considération qui balaient l'écran, sans pour autant se montrer tire larme ou dans l'excès de mièvrerie. Au contraire. Parce qu' Adieu Les Cons joue de main de maître avec les émotions de son public, allant du sourire le plus franc et ravageur aux larmes en une fraction de seconde, entre beauté et candeur, désespoir et croyance chevillée au corps que certaines petites choses peuvent être changées.
Le film met alors véritablement à nu l'âme de ses personnages, en mettant en avant les discrets, les timides, les silencieux et ceux qui n'osent pas sortir du rang de peur de déranger ou de faire face à l'échec, les déclassés, ou encore des êtres incomplets plongés dans de tristes temps modernes déshumanisants.
Rien ne semble tenir droit dans ce récit aux accents ubuesques et bancals, comme les personnages mis en scène. Sauf que le charme poétique de l'absurde est poussé à son maximum, comme chez Jean-Pierre Jeunet, avec aussi le même attachement et la même bienveillance complice. Tandis que Albert Dupontel croit comme un fou en la beauté de ses personnages et réussit à transmettre cet amour à son public.
La fin, aux allures
de Thelma et Louise,
n'en a que plus d'impact, en laissant le cinéphile tout d'abord sur le cul, avant que la puissance romanesque n'explose littéralement dans son esprit pendant que le générique final, une dernière danse juvénile, défile.
Et là, on se dit que l'on aimera plus jamais à ce point là en 2020, tandis que l'on acquiert la certitude qu' Adieu Les Cons, en plus de confirmer le coeur fragile, battant et désabusé d'Albert Dupontel, se hisse tout en haut du top des films français, rien de moins.
Behind_the_Mask, archiviste qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez.