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Adieu les cons par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique publiée le 5 janvier 2022


Deux personnages qui ne se connaissent pas et qui vivent deux situations diamétralement différentes vont se rencontrer et s'allier par contrainte pour le meilleur et pour le pire.
Tout commence dans une agence de santé où, venant d'apprendre lors d'une visite chez son médecin qu'elle était atteinte d'une maladie incurable, Suze Trappet, la quarantaine et coiffeuse demande expressément de l'aide.En effet dès l'âge de 15 ans elle a été contrainte d'abandonner son fils sous X sous la pression de ses parents.
Pour tenter de le revoir une dernière fois elle va demander un entretien dans une grande administration censée pouvoir gérer ce genre de problème. Malheureusement l'entretien n'aboutit pas.
C'est à ce moment qu'un coup de feu retentit trouant le mur du bureau et blessant un employé. Le coupable de ce fait est Jean-Baptiste, un cadre de la société victime d'un "burn-out".
Piégé par son acte répréhensible une main lui est tendue par Suze. Elle passe un marché avec lui pour prendre la fuite ensemble à condition qu'il fasse tout pour l'aider à retrouver son enfant.
C'est avec le renfort de M. Blin, un archiviste aveugle issu des fins fonds de cette société qu'ils vont partir dans une équipée qui ne va pas manquer de péripéties avec la police afin de retrouver le fils de Suze...


J'ai vraiment un profond respect pour le talent d'Albert Dupontel réalisateur et acteur. Ici il nous offre d'une façon très originale, aussi surréaliste que tapageuse, une photo de notre société en démasquant aussi bien son coté individualiste, injuste que malsain forçant certaines de ses victimes à des actes extrêmes malgré leur comportement habituel de façade.
Il y a d'ailleurs dans cette œuvre une description très approfondie et très subtile selon moi des trois personnages principaux engagés dans une recherche et dans une fuite improbable déjouant les lois et utilisant des moyens ingénieux pour obtenir justice et une revanche sur un monde devenu absurde.
Il y a d'abord Suze qui veut fuir un passé douloureux et qui n'a que peu de temps pour retrouver son fils abandonné. Elle fuit le souvenir de ses parents qui l'ont forcée à commettre un acte dont elle se culpabilise depuis ses 15 ans. Lorsqu' elle apprend la nouvelle de sa maladie, elle s'engage par un élan affectif et peut-être un peu de curiosité dans un sprint effréné. Elle sait très bien qu'il ne lui reste certainement plus que très peu de temps pour laver sa conscience et là miracle, une chance s'offre à elle.
Ensuite il y a Jean-Baptiste, célibataire, qui travaille dans une grande entreprise. C'est un formidable hacker mais alors qu'il a tout donné par la qualité de son travail, ses supérieurs décident à brûle pourpoint de mettre fin à ses services. Désespéré il commet un geste plus que gravissime avant de fuir lui aussi la police qui va le traquer. Suze lui permettant de l'aider sous condition donne un sens à sa fuite, il n'est plus seul et se prend au jeu de"détective" afin de rechercher ce fils dont on ne connaît pas la destinée.
Et puis il y a M. Blin. C'est un archiviste aveugle, pas très loin de la retraite. Il s'est accoutumé à la solitude dans un recoin de son sous-sol. On ne lui demande rien, personne ne connaît son service, bref c'est un genre de "fantôme" révolté, vaguement anarchiste qui est incrusté là attendant que quelqu'un lui dise de partir à la retraite.
Lorsqu'on lui demande de se mêler à cette enquête, lui aussi fuit cette vie d'anonyme pour former un trio avec ses deux comparses. Le sentiment d'exister et de servir à quelque chose est pour lui du pain béni, un départ dans la vie. Il va enfin être utile et avoir des contacts.


La société est cruelle, sécurisée. La police est partout sur les traces des fugitifs mais c'est une "force aux pieds d'argile" qui peut être manipulée. Le réalisateur nous en fait une démonstration formidable lorsque, avec presque rien entre les mains, on peut éteindre les lumières d'un quartier, manipuler les ascenseurs d'un building, faire paniquer une foule, faire accourir la police et tout cela dans un bruit infernal de klaxons, de cris, de poursuites et de bagarres.
Quel tableau de ce monde dans lequel nous vivons et où se côtoient les puissants et les autres, ces autres dont on se fiche jusqu'au jour où cette thématique est battue en brèche par un grain de sable qui dérange et finit par prendre une puissance inattendue!


Certains comparent ce film d'Albert Dupontel un peu à du Ken Loach par son style et sa puissance et je suis un peu de cet avis car le réalisateur français impose un genre particulier au niveau des idées sociales, politiques et sur la destinée des personnes persécutées.
C'est flatteur et mérité vu ce que l'on observe ici. Servi par une impeccable mise en scène, nous voguons dans cet excellent film entre suspens, inquiétude et un peu de comédie noire et sarcastique comme sait si bien le faire ce réalisateur.
L'interprétation est tout à fait à la hauteur. Virginie Efira, Suze, qui déclenche involontairement un cyclone provoqué par Albert Dupontel, Jean-Baptiste, l'agitateur inventif et Nicolas Marié, M Blin, personnage aveugle atypique sortant enfin de sa torpeur et pouvant enfin exprimer ses idées nous offre un trio trépidant, capable de tous les excès.


Je vous conseille donc de voir cette œuvre inventive par sa conception et qui dégage une certaine émotion et vous emmènera dans un monde paraissant irréel, brutal, troublant et qui pourtant ressemble bougrement à celui dans lequel nous vivons.


Box-office France: 1 993 197 entrées


Ma note: 8/10

Créée

le 28 déc. 2021

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