Plus qu’un documentaire, plus qu’un film sur l’adolescence

En tant qu’être humain, nous somme toujours en constance construction. S’il y a une période de notre vie qui pourrait être un moment charnière de notre vie, c’est l’adolescence. On pense à beaucoup de choses selon nos souvenirs. Pour certains, l’adolescence évoque la découverte de la vie, de la sexualité, le monde qui nous entoure. Pour d’autres, c’est le fait de changer, d’évoluer. Cela peut tout à fait être aussi la scolarité. On pense aux choix d’orientations entre la troisième et la seconde, ce sont nos souvenirs sur Admission post-bac pour les gens de notre génération et Parcoursup remplaçant Admission post-bac, pour la génération des deux filles que l’on va suivre dans ce documentaire : Emma et Anaïs. Toujours dans le cadre scolaire, ça peut tout à fait être le bac fermant la page de l’adolescence, mais ouvrant une nouvelle page du cycle de notre vie.


Tout ceci, représente l’adolescence qui comme je disais est un moment charnière, un moment complexe pour tout le monde. Quand on est adulte, on oublie parfois ce que peut représenter l’adolescence. Ce sont ces moments de confrontations avec les parents, des moments de découverte, des moments de joie, des moments de pleurs. C’est des moments d’une très grande richesse servant à nous construire en tant qu’adule. Cette sorte de laboratoire de la vie est le thème du documentaire de Sébastien Lifshitz habitué de l’exercice du documentaire. La preuve cette année avec Adolescente qu’il a fait pour le cinéma et « Petite Fille » pour la télévision.


Quand on lit des interviews de Sébastien Lifshitz, on se rend compte qu’il avait affaire à un projet colossal, occupant une bonne partie de sa vie. Pour résumer : « Adolescentes », est un documentaire d’une durée de 2 heures. Cette durée représente quelque chose de très grand sur la conception de ce projet. Il y a l’année de préparation avant de trouver Anaïs et Emma. Ensuite, c’est cinq ans de tournage, on va voir grandir les deux adolescentes de leurs rentrée en 4eme quand elles ont 12 ans, jusqu’au bac quand elles ont 18 ans. On peut rajouter à cela l’année de post-production. Je n’ose pas imaginer les nombreuses heures dans la salle de montage. C’est au un projet ayant suivi son cinéaste pendant sept ans. Rien que pour cela, on peut saluer le travail du cinéaste français qui a su prendre le temps de filmer les deux adolescentes.


Sebastien Lifshitz qualifié cette expérience comme une expérience « un peu folle ». Il expliquait qu’il avait deux vies. Celle à Paris la ville ou il habite, et celle à Brive, la ville d’Anaïs et d’Emma. Pour le cinéaste, c’était tout un travail de se multiplier tout en étant disponible, car il ne faisait pas que Adolescentes. ils faisait d’autres documentaires, il préparait des livres, des expositions. Il explique aussi qu’il avait un contrat avec les deux adolescentes. Quand ils se voient, c’est à dire dans des sessions de deux-trois jours, il seraient pratiquement toujours la à filmer les moments importants constituant la vie d’une adolescente. En dehors du tournage, il restait en contact avec elles. Ce procédé, permet de créer naturellement cette proximité, cette complicité entre le cinéaste et son sujet qui est de parler de l’adolescence représenté par Anaïs et Emma.


Sébastien Lifshitz arrive à nous capter dès le début du documentaire. Tout commence avec la rentrée scolaire d’Anaïs et d’Emma en quatrième, avec toute la routine qu’on connaît. C’est très intéressant de commencer le documentaire là-dessus, car on a tous connus les rentrées au collège. Dès le début Lifshitz, arrive à filmer naturellement ce réel et cela marche énormément, tout semble vrai, car c’est la réalité. On a l’impression de se revoir au collège, de comparer nos emplois du temps, voir avec qui on est, si on est dans la même classe que notre crush.


Commencer le documentaire quand elles ont 12 ans, est intéressant. À 12 ans, on est dans un âge, on on connaît déjà le collège, mais on se rapproche du lycée. C’est aussi le début de la fermeture de la page de l’enfance pour rentrer dans l’adolescence, un âge ou comme je le disais, signifie la découverte du monde, le début d’une réflexion sur ce que l’on veut faire. À cet âge, on commence à avoir les clefs pour comprendre le monde qui nous entoure. Avec le cadre installé au début, nous oublions très vite cette caméra, on est plongé dans le quotidien d’Emma et d’Anaïs avec les rapports qu’elles ont avec leurs parents, les amies, les amourettes. Chaque année offre son lot de nouveauté avec de nouveaux enjeux, comme l’approche du bac ou le choix d’orientation pour les études supérieures. Tout s’enchaîne d’une façon si naturelle, qu’on se laisse embarqué dans ce quotidien, on ne voit même plus les années qui passent. Quand il filme des moments simple de la vie, ou il ne se passe pas grand-chose, Lifshitz nous offre des moments de cinéma subliment, laissant la vie décider du rythme du film.


Il y a cette intelligence chez Sébastien Lifshitz à nous montrer d’une façon si brutale les images des attentats. Cela nous rappelle que tout cela est aussi arrivé si brutalement, comme un coup de tonnerre. L’attentat à Charlie Hebdo, l’attentat au Bataclan est un moyen pour le réalisateur de toujours nous replacer dans le temps et de nous montrer que cette générations a grandit avec l’horreur de ces deux événements terrible. Comme c’était le cas lors des attentats du 11 septembre 2001 dans le centre de Manhattan, pour une autre génération précédente. Que ce soit le 11 septembre ou le Bataclan, ce sont des événement marquant, des événements montrant le danger de notre monde pouvant surgir à n’importe quel moment.


On oublie parfois qu’on regarde un documentaire sur l’adolescence, on peut plutôt voir le film comme une enquête sur la France lors de ces cinq dernières années. Quand Sébastien Lifshitz filme le résultat des élections présidentielles chez les deux familles, on voit d’une façon si simple cette différence entre deux générations, ce désintérêt de la politique chez les jeunes et d’engagement assez moins présent. Alors que nos parents faisaient sûrement des débats entre eux, nous, on est plutôt du genre à passer à autre chose. On voit ce fossé entre la jeunesse et les gens censé nous représenter.


Plus qu’un film sur l’adolescence, plus qu’une enquête sur la France sur cinq années, « Adolescente » tire son épingle du jeu sur l’amitié entre Emma et Anaïs. Elles sont complètement différentes, mais elles sont toujours ensemble. Le film devient un documentaire sur une amitié sincère, touchante résistant à l’épreuve du temps. Quand le film se termine sur les interrogations d’Anaïs et d’Emma, devenues de jeunes femmes en partance pour de nouveaux horizons, on atteint quelque chose de magnifique, quelque chose de mémorable. « Adolescentes » est un film qui nous marquera à tout jamais. Le naturel, le fait qu’il ne force jamais, permet de nous donner quelque chose d’assez unique, on a tendance à l’oublier.


Dire que Sebastian Lifshitz enchaînera avec « Petite fille », nous montrant une nouvelle fois qu’il arrive à capter ces moments assez uniques. Ce n’est pas du documentaire, c’est du cinéma. Le cinéma nous aide à comprendre le monde qui nous entourent, arrivant à nous toucher d’une façon si juste.

Eyrio___
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le 2 janv. 2021

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