Véritable petite perle que cet Adrénaline, qui joue surtout sur l'effet de surprise en balançant son spectateur dans un monde grotesque, parfois proche de la réalité, pour mieux s'en moquer dans une chute absurde. Mais si le film porte bien son nom, c'est parce que plusieurs de ses segments jouent sur la peur ou le suspense, assez efficacement pour que malgré la pauvreté des effets spéciaux, l'effet soit efficace. On peut parler de cette séquence cauchemardesque où une femme voit le plafond de son appartement baisser peu à peu en écrasant les meubles et en bloquant les portes, à la conclusion percutante. Ou encore ce quidam inconnu qui se retrouve dans un labyrinthe glauque, devant passer de multiples pièges pour avancer, qui devient un précurseur de saw bien plus démonstratif en termes de gore que l'effort de James Wan...). Et le film déborde de segments aux tons différents, toujours avec des idées burlesques qui assurent un ton léger, sans pour autant dissiper l'étrangeté de l'ensemble. L'univers du film est fascinant, car chaque réalisateur apporte ses idées, tout en conservant une cohérence de ton. Vu l'amateurisme de certains passages, il est évident que tous n'ont pas eu les mêmes moyens, que quelques figurants bénévoles ont prêté assistance par moments, aboutissant à ce projet fendard qui réussit haut la main là où nombre de films à sketchs échouent. Et en plus de cette cohérence, les partis pris sont suffisamment originaux pour assurer le dépaysement, avec un humour qui sait rester plutôt léger. Seul la séquence de la mamie, trop grinçante à mon goût, vient gâcher le gentil esprit qui anime ce film. Mais devant des histoires comme un gardien de parking harcelé par des caméras, ou un couple de beaufs aux prises avec leur télévision possédée, le film vaut le détour. Chaque postulat va vers quelque chose de nouveau, et l’usage cartoonesque du gore, parfois extrêmement violent (une tête boxée en plan séquence dont les tuméfactions ne cessent de s’amplifier, un torture porn en full frontal où une victime ne cesse de demander plus de sévices à son bourreau qui sort la belle tronçonneuse…), contribue à donner cette touche particulière à l’humour du film, finalement plus innocent et spirituel que les effets qu’il exploite. Plein d’inventivité et imprévisible, Adrénaline est une de ces pépites oubliées du cinéma français qu’il FAUT redécouvrir de toute urgence, au moins pour relativiser sur le sort du cinéma de genres en France. Oui, c’est toujours possible de l'enrichir avec sa passion, on peut même séduire son public en prenant autant de risques.