Poil à gratter
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Lorsque "Affreux, Sales et Méchants" sortit en salle, en 1976, il devint immédiatement une sorte de film de "référence" pour notre petite bande de lycéens survoltés : nous nous rêvions aussi affreux, sales et méchants que les tristes héros de la "comédie" d'Ettore Scola, un réalisateur que nous adorions alors (après le gros coup de cœur de "Nous Nous Sommes Tant Aimés"). En fait, nous rêvions surtout d'être aussi excessifs et pleins de cette vie-là, fut-elle chaotique et absurde, que ces Italiens qui bâfraient, baisaient et mettaient autant d'énergie dans la moindre de leurs activités. En fait, l'Italie décrite dans ce cinéma-là, qui allait d'ailleurs disparaître très vite pour laisser place au grand désert "audiovisuel" qui perdure encore 30 ans plus tard, nous paraissait bien plus désirable que la France grise, frileuse et réactionnaire des années 70. Peu nous importait dans le fond le vrai "message" de Scola, cette peinture faussement hilarante et vraiment désespérante d'une société condamnée par l'ignorance et par la pauvreté à une médiocrité fatale, qui pouvait se cristalliser en crises de violence furieuse, mais qui ne pourrait jamais formuler la moindre revendication sociale ou politique (on l'avait vu dans "Nous Nous Sommes Tant Aimés", la politique, en Italie, c'était déjà quelque chose de dépassé, de mort, en 1976). "Affreux, Sales et Méchants" nous parle, à la manière réjouissante de la "Comédie Italienne" de cette époque-là, c'est-à-dire sans avoir peur des excès, des raccourcis, des simplifications (qui feront forcément froncer le nez à ceux qui aimeraient voir plus de "réalisme" ici, et qui peuvent ça et là faire pencher le film du mauvais côté, celui de l'exercice de style un peu vain), d'une part de l'humanité qui a déjà plongé dans la semi-bestialité, mais qu'il est, dieu merci, toujours possible d'aimer, car ils sont nos frères et nos sœurs. Et que ces bidonvilles sinistrés par la misère et les plus bas instincts, un peu comme ceux de "Dodeskadden" de Kurosawa, c'est, encore et toujours, un avenir possible, voire probable, pour nous tous. [Critique écrite en 1976, 1991, et mise en forme en 2016]
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le 22 juil. 2016
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