Poil à gratter
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Aujourd'hui, il parait assez incroyable de se dire qu'Ettore Scola réalisait "Affreux, sales et méchants" en 1976, tant ce portrait de famille déjantée reste encore actuel sous bien des aspects.
Portrait de famille, c'est vite dit, tant il n'existe entre les protagonistes qu'un vague lien du sang, et assurément aucune sorte d'affection. Mais c'est grâce à cette noirceur, dans tout ce qu'elle a de noblement grotesque, que Scola réussit à faire traverser le temps à son propos. "Affreux, sales et méchants" c'est un film sur les exclus, les parias, qui explique comment leur survie dans une société qui les méprise est impossible sans renoncer à une part essentielle d'humanité. Si choisir de passer par une narration éclatée entre les différents membres de la famille permet une certaine exhaustivité du propos, elle est toutefois légèrement laborieuse pour le spectateur qui n’a pas de vrai fil auquel s'accrocher. Un parti-pris qui exclue le moins aguerri des publics et qui demande un léger effort pour profiter pleinement du triste spectacle. Mais cette perdition n'est-elle pas voulue, car "Affreux, sales et méchants" est tel un chat, qui dans sa chute infinie et chaotique essaie désespérément de retomber sur ses pattes.
Mais ce qui frappe encore le plus aujourd'hui, c'est le génie de mise en scène de Scola. Si par son histoire, le film oppose fatalement les familles des bidonvilles à notre société, l'italien fait le choix de ne jamais les confronter ouvertement. C'est dans la subtilité qu'il faut chercher ce rapport de force: c'est parfois la composition d'un plan qui affiche la ville moderne au-delà des bidonvilles, c'est parfois le regard vide d'une fillette qui part travailler... Dans "Affreux, sales et méchants" rien n'est donné, il faut savoir chercher minutieusement les indices et les interpréter soi-même. Une démarche qui là aussi risque de perdre les plus versatiles, mais qui s'avère tellement gratifiante en définitive.
"Affreux, sales et méchants" est une farce, au sens noble du terme, une farce qui a l'intelligence de donner des raisons d'avantage que des excuses.
Créée
le 30 juin 2016
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