"Après l'heure... C'est plus l'heure !" (!) SPOIL WARNING (!)
Ce dicton, Paul aurait sans doute dû le méditer sérieusement avant de se lancer, après une dure journée de labeur, à la poursuite de Marcy, pour ce qui deviendra la pire nuit qu'il ait jamais vécu.
Son calvaire, c'est un peu "L'horloge" de Baudelaire mis en images : un condensé, en une nuit, de l'existence d'un être humain, avec ses amours, ses perditions et ses souffrances, et le temps qui passe et gagne toujours. Notre héros rencontre plusieurs femmes de plus en plus vieilles, toutes ayant un air familier : en ce sens, la mort de Marcy peut être comparée à celle du premier amour, que l'on recherchera en vain lors des relations suivantes. Au fil des heures (ou plutôt des années, si l'on suit la métaphore), son pouvoir de séduction, d'abord puissant, opèrera de moins en moins ; ses rapports s'avèreront de plus en plus pathétiques et discourtois, tandis que les rangs de ses ennemis ne cesseront de grossir. Paul finira même "enterré" dans sa grotesque statue de plâtre comme dans un cercueil, totalement malade, délirant, fini, ne maîtrisant plus rien depuis longtemps... Jusqu'au jour qui, comme la mort, viendra ironiquement le délivrer.
On l'aura compris, "After hours" est un film bien décalé et vaguement étrange, peuplé de personnages énigmatiques, où s'enchaînent des situations vraisemblables mâtinées de détails surréalistes, si bien qu'elles en deviennent toutes suspectes. Sous couvert de la nuit et du lieu de l'action, l'oeuvre prend rapidement des allures de cauchemar éveillé à la logique douteuse, où les pulsions, les tréfonds de l'âme se libèrent de leurs chaînes. De cette rêverie hallucinée et sauvage, à l'esthétique eighties prononcée mais élégante, Scorcese tire une réflexion intéressante sur les lois implicites qui régissent les hommes et la société, ainsi que sur leur rapport effrayé envers leur propre mortalité.