Epoque contemporaine, en 2020, sur le littoral britannique à Douvres, au retour d’une soirée Mary Hussain prépare le thé sur une musique pakistanaise et préconise à son mari de « laisser infuser ». Assis au creux d’un fauteuil dans le salon, Ahmed meurt subitement. Finalement, ce sera à Mary de laisser le deuil infuser en elle. Mais, alors que l’eau versée est encore tiède et que le deuil a à peine débuté, Mary découvre que son mari défunt lui cache une relation extraconjugale. Cette part de vie cachée prend corps à seulement 34 kilomètres de chez elle plus en Angleterre mais de l’autre côté de la mer, en France, à Calais précisément. Pour comprendre et découvrir ce pan mystérieux de la vie de son mari, Mary embarque sur le ferry, fait la Manche ou plutôt la traverse et regarde son passé s’effondrer comme une falaise érodée par le mensonge. Derrière elle, l’écume des ressentiments. Tout en retenue, Aleem Khan dont c’est le premier long-métrage filme la confrontation de deux cultures distinctes, deux destins de femmes, l’une incarnée par la bouleversante Joanna Scalan (Mary) et l’autre par la non moins excellente Nathalie Richard (Geneviève), qui sont liées à Ahmed.
Souvent cloisonnés dans d’étroits couloirs, les personnages sont prisonniers d’une vision réductrice d’une partie de leur vie qui leur est cachée. D’ailleurs, chacune tentera de s’extirper de ces espaces exigus pour découvrir la vérité, Mary en s’exilant en France et Geneviève en déménageant. Cette quête de vérité s’illustre aussi par l’image floue renvoyée par la condensation du miroir dans la salle de bains mais également par les deux portes coulissantes de ce dernier qui divise littéralement Mary en deux entités. Si le Brexit est une séparation, la dernière pièce du puzzle menant à la vérité d’After Love se trouve dans la conjugaison de deux vérités, c’est celle des deux femmes qui doivent régler leur deuil avec Ahmed, c’est celle des deux femmes avec elles-mêmes (qui passe par un rapport au corps et à ses traumatismes pour Mary ainsi qu’à la dévotion religieuse) ainsi qu’entre elles, comme une affaire à régler en vis-à-vis. Mais c’est aussi celle de Douvres et de Calais réunies par la Manche. Peut-être est-ce cela que de faire la Manche, ne pas quémander mais « faire la quête » de sa propre unité, ne plus zoomer comme le fait la caméra pour filmer le doute mais dézoomer, prendre du recul, élargir ses horizons comme cet ultime plan aérien.