Dans l’envers du décor de son dernier court « Three Brothers », Aleem Khan prolonge l’épisode fataliste d’un père qui disparaît, ne laissant que femme et enfant derrière lui. À Douvres, la situation est plus complexe, bien que ce ne soit davantage le siège d’une exposition, qui verse dans le mélodrame intime. Pour son premier long, le cinéaste apporte une délicatesse dans l’écriture, là où la violence aurait tendance à prédominer dans des récits similaires. Ce que l’on fait par amour, dans l’instant et après, ne connaît pas forcément de frontières, si ce n’est le secret. Hélas, ce ne sera pas une chose que l’on gardera longtemps pour soi. Il ne s’agit plus de convertir des révélations en une montée en tension. Il s’agit plutôt de cultiver l’apaisement du deuil et de l’acceptation.
Mary Hussain ne se perd pas dans les pleurs, car un nouveau dédale l’attend juste de l’autre côté de la manche. Une femme cachée, une rencontre, une confrontation est à présent inévitable afin de compenser le tourment qui malmène la veuve. Chacun de ses pas, chacune de ses pensées se matérialisent dans son reflet, une falaise ou encore un plafond qui s’effrite. Un sentiment la déchire après même que la vérité n’ait éclatée et la marée continue de déferler sur sa tête et son esprit mutilé. Tout cela est intuitif et accompagne Mary vers un monde inconnu. C’est pourtant aux côtés de Geneviève et de son garçon qu’elle trouvera une échappatoire et peut-être une réconciliation. Mais c’est avant tout une affaire de comparaison qui la préoccupe. Elle, qui s’est convertie pour son mari, découvre ce qu’elle n’a pas pu offrir à sa famille.
La Britannique Joanna Scanlan et la Française Nathalie Richard catalysent alors toute l’attention, jusqu’à ce que leurs traits deviennent de véritables défauts ou qualités. L’ambiguïté grandit au fur et à mesure que le nouveau domicile se transforme et se vide. Mais les souvenirs eux, vont rester intacts et laisse l’espoir mûrir en ceux qui continue à avoir foi. C’est un duel qui entraînera les deux femmes à s’opposer et se réunir. La plus réservée sera alors à l’écoute, alors que la plus loquace se laissera submerger par ce manque à combler. L’intérêt devient donc commun par le bien de Solomon (Talid Ariss), qui efface subtilement le père défunt jusqu’à se réapproprier ses dérives. Bien entendu, cela restera à la hauteur de l’adolescent qu’il est, mais il constitue un facteur majeur dans ce que Mary et Geneviève tentent de préserver, au nom de la culture et de l’amour du paternel.
En somme, « After Love » ouvre un boulevard vers ce repas, qui se mange en famille. C’est avec l’économie des dialogues que Khan compense la prévisibilité de son récit, lumineux dans de nombreux aspects. Le temps est jeté sur l’enveloppe corporelle des dames et questionne sur le non-choix du mari, condamné à veiller sur la manche, à mi-chemin entre l’avant et l’après. Il n’est jamais arrivé à bon port et c’est bien quelque chose que l’on taira, afin que Mary puisse se placer comme l’ambassadrice que l’on attendait. Que dans son silence, les images puissent murmurer sa peine et son renouveau. C’est un geste élégant et passionnant, qui rappelle ô combien le patrimoine nous est essentiel et qu’il peut encore rapprocher deux terres et deux cultures.